Le Troisième Reich, T1
n'aimait pas les Français, auxquels il en
voulait depuis 1923, date où ils l'avaient fait expulser, alors qu'il était
attaché militaire à Paris, pour avoir, prétendait-on, vendu des documents
intéressant l'armée française. Peut-être cet homme, qui était devenu ministre
des Affaires étrangères de Pologne en novembre 1932, avait-il trouvé tout
naturel de se tourner vers l'Allemagne. La dictature nazie, dès ses débuts, lui
avait inspiré une vive sympathie et, au cours des six dernières années, il
avait tout fait pour rapprocher son pays du Troisième Reich et
pour affaiblir ses liens traditionnels avec la France.
De tous les pays limitrophes de l'Allemagne, c'était la Pologne
qui, en fin de compte, était le plus menacé. De tous, c'était elle qui s'était
montrée le plus aveugle au danger germanique. Aucune clause du Traité de
Versailles n'avait autant irrité les Allemands que celle qui établissait le
Corridor, donnant à la Pologne l'accès à la mer et coupant la Prusse-Orientale
du Reich. Le fait de détacher de l'Allemagne le vieux port
hanséatique de Dantzig et de l'ériger en Ville Libre garantie par la Société
des Nations, mais placée sous la domination économique de la Pologne, avait
également blessé l'opinion publique allemande. Si faible et pacifique qu'elle
fût, la République de Weimar elle-même n'avait jamais
accepté ce qu'elle considérait comme une mutilation que la Pologne avait infligée
au Reich allemand. Dès 1922, le général von Seeckt, comme nous l'avons vu,
avait défini l'attitude de l'armée allemande.
L'existence de la Pologne est intolérable et incompatible
avec les conditions essentielles à la vie de l'Allemagne. La Pologne doit disparaître
et disparaîtra — par suite de ses faiblesses internes et de l'action de la
Russie — avec notre aide... Effacer la Pologne de la carte doit être l'un des
mobiles fondamentaux de la politique allemande... (et) on peut y parvenir au
moyen et avec l'aide de la Russie...
Paroles prophétiques!
Les Allemands oubliaient, ou peut-être ne voulaient-ils pas se
rappeler, que la plus grande partie du territoire allemand attribué à la
Pologne par le Traité de Versailles, y compris les provinces de Posen et de
Poméranie polonaise qui formaient le Corridor, avait été confisquée par la
Prusse lors du partage où la Prusse, la Russie et l'Autriche avaient anéanti la
nation polonaise. Pendant plus d'un millénaire, le territoire avait été occupé
par des Polonais — et, dans une large mesure, l'était encore.
Aucune nation recréée par Versailles n'avait connu autant
d'épreuves que la Pologne. Au cours des premières années mouvementées de sa
résurrection, elle avait mené une guerre d'agression contre la Russie, la
Lithuanie, l'Allemagne et même la Tchécoslovaquie : — en cette dernière
occurrence à propos de la région charbonnière de Teschen. Privés de leur
liberté politique pendant un siècle et demi, et par conséquent sans aucune
expérience de l'indépendance moderne, les Polonais furent incapables
d'instaurer un gouvernement stable et même d'amorcer une solution à leurs
problèmes économiques ou agraires.
En 1926, le maréchal Pilsudski, héros de la révolution de 1918,
avait marché sur Varsovie, s'était emparé du gouvernement, et, tout vieux
socialiste qu'il fût, avait substitué à un régime démocratique chaotique sa
propre dictature. L'une de ses dernières initiatives avant de mourir en 1935
avait été de conclure un pacte de non-agression avec Hitler. La signature eut
lieu le 26 janvier 1934 et, comme nous l'avons déjà vu, fut l'un des premiers
coups portés au système d'alliances conclues par la France avec les voisins
orientaux de l'Allemagne.
C'est d'elle que date l'affaiblissement de la Société des
Nations et de son principe de sécurité collective. Après la mort de Pilsudski,
la Pologne fut principalement gouvernée par un petit groupe de « colonels »,
anciens chefs de la vieille légion polonaise de Pilsudski qui avait combattu
contre la Russie pendant la première guerre mondiale. Ils avaient à leur tête
le maréchal Smigly-Rydz, soldat d'élite mais qui n'avait rien d'un homme
d'État. Le portefeuille des Affaires étrangères échoua aux mains du colonel
Beck. A dater de 1934, l'orientation devint de plus en plus pro-allemande.
Une politique de suicide devait fatalement en résulter. Et, en
fait, si l'on considère la position occupée par la Pologne
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