Le Troisième Reich, T1
demi-heure après la fin de notre entretien, rapporta Schulenburg, Molotov
m'adressa une note me demandant de retourner le voir au Kremlin à seize heures
trente. Il s'excusait de me déranger et m'expliquait qu'il avait rendu compte
de notre conversation au gouvernement soviétique. »
Cette fois-là, le commissaire aux Affaires étrangères tendit à
l'ambassadeur, surpris mais ravi, un projet de pacte de non-agression, en lui
annonçant que Ribbentrop pourrait arriver à Moscou le 26 ou le 27 août, si le
traité commercial était signé et publié dès le lendemain.
« Molotov ne me donna pas, ajouta Schulenburg dans son
télégramme, les raisons de son brusque changement d'avis. Je soupçonne Staline
d'être intervenu (19). »
Cette supposition était sûrement fondée. Selon Churchill,
Staline annonça au Politburo, le soir du 20 août, son intention de signer un
pacte avec l'Allemagne (20). Un peu plus tôt dans la journée du 19 — entre
quinze heures et seize heures trente — ainsi que le prouve le télégramme de
Schulenburg — il avait communiqué à Molotov sa décision fatidique.
Trois ans plus tard exactement, en août 1942, « au petit matin
», comme Churchill le raconta ensuite, le dictateur soviétique livra au Premier
britannique certaines des raisons qui lui avaient dicté sa cynique volte-face
(21).
Nous avions fini par avoir l'impression, lui dit Staline,
que les gouvernements anglais et français n'étaient pas décidés à entrer en
guerre si la Pologne était attaquée, mais qu'ils espéraient que l'alignement
diplomatique de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie ferait hésiter
Hitler. Nous étions certains, nous, qu'ils commettaient là une grave erreur. «
Combien de divisions, demanda Staline, la France pourra-t-elle mobiliser contre
l'Allemagne? — Une centaine, lui répondit-on. — Et l'Angleterre? demanda alors
Staline. — Deux, plus deux autres un peu plus tard. — Ah! deux, plus deux
autres un peu plus tard, avait répété Staline. Savez-vous, reprit-il, combien
de divisions il nous faudrait envoyer sur le front russe si nous entrons en
guerre contre l'Allemagne? » Il marqua une pause. « Plus de trois cents. »
Dans le télégramme où il donnait le résultat de ses entretiens
du 19 août avec Molotov, Schulenburg avait ajouté que sa tentative en vue de
persuader le commissaire aux Affaires étrangères d'accepter une date plus
rapprochée pour le voyage de Ribbentrop à Moscou « avait malheureusement échoué
».
Mais, dans l'esprit des Allemands, il fallait tout faire pour
qu'elle réussisse. Tout l'horaire de l'invasion de la Pologne, en fait la
possibilité même de celle-ci, étant donné le bref délai qui restait avant les
pluies d'automne, en dépendait. Si Ribbentrop n'était pas reçu à Moscou avant
le 26 ou le 27 août, et pour peu que les Russes fissent alors traîner les
choses comme le craignaient les Allemands, l'objectif du 1er septembre devait
être abandonné.
A ce moment crucial, Adolf Hitler en personne intervint auprès
de Staline. Piétinant tout orgueil, il supplia le dictateur soviétique, qu'il
avait si souvent et si longtemps calomnié, de consentir à recevoir
immédiatement le ministre des Affaires étrangères. Son télégramme à Staline fut
expédié sans tarder le dimanche 20 août à dix-huit heures quarante-cinq, douze
heures exactement après la réception du télégramme de Schulenburg.
L'ambassadeur fut prié de le remettre « sur-le-champ » à Molotov.
M. Staline, Moscou.
J'apprends avec un plaisir sincère la conclusion du nouvel
accord commercial germano-soviétique, dans lequel je vois le premier pas vers
une amélioration des relations entre nos deux pays [197] .
La conclusion d'un pacte de non-agression avec l'Union
Soviétique représente pour moi l'instauration d'une politique à long terme.
L'Allemagne reprend ainsi une orientation qui fut bénéfique à nos deux pays au
cours des siècles passés.
J'accepte le projet de pacte de non-agression proposé par
votre ministre des Affaires étrangères M. Molotov, mais je considère qu'il est
urgent de clarifier le plus tôt possible les questions qui s'y rapportent.
La mise au point du protocole additionnel réclamé par
l'Union Soviétique peut, j'en suis convaincu, s'effectuer dans le plus bref
délai possible, à condition qu'un homme d'État allemand responsable puisse se
rendre personnellement à Moscou pour négocier. Sinon, le gouvernement du
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