Le Troisième Reich, T1
démocraties occidentales.
Staline l'interrompit pour lui faire remarquer que « le Pacte anti-Komintern
avait surtout réussi à effrayer la Cité de Londres (c'est-à-dire les financiers
britanniques) et les boutiquiers anglais ».
A ce moment critique, révèle le mémorandum allemand, Ribbentrop
avait été mis de si bonne humeur par l'attitude accommodante de Staline qu'il
se permit une ou deux plaisanteries — exploit qui chez un homme aussi dénué
d'humour mérite d'être noté.
Le ministre des Affaires étrangères du Reich, poursuit le
procès-verbal, fit plaisamment observer que M. Staline avait sûrement moins
peur du Pacte anti-Komintern que la Cité de Londres et les boutiquiers anglais.
Le point de vue des Allemands se reflétait fidèlement dans une histoire drôle
fort appréciée des Berlinois renommés pour leur esprit et leur sens de l'humour
où figurait un Staline tout prêt à se joindre au Pacte anti-Komintern.
Pour finir, le ministre des Affaires étrangères nazi décrivit
avec complaisance l'enthousiasme avec lequel le peuple allemand accueillait une
entente avec la Russie. « M. Staline, lit-on dans le procès-verbal allemand,
répondit qu'il en était vraiment persuadé. Les Allemands désiraient la paix. »
Cet assaut de protestations attendries atteignit son apogée au
moment des toasts.
M. Staline proposa spontanément de boire à la santé du
Führer.
Je sais l'amour que porte à son Führer la nation allemande.
J'aimerais donc boire à sa santé.
M. Molotov but à la santé du ministre des Affaires
étrangères du Reich... MM. Molotov et Staline burent à plusieurs reprises au
pacte de non-agression, à la nouvelle ère des relations germano-russes et à la
nation allemande.
Le ministre des Affaires étrangères du Reich proposa alors
de porter un toast à la santé de M. Staline, puis au gouvernement soviétique et
à l'évolution favorable des relations entre l'Allemagne et l'Union Soviétique.
Et pourtant, malgré toutes ces chaleureuses démonstrations entre
ceux qui, tout récemment encore, étaient de mortels ennemis, il semble que
Staline ait fait quelques restrictions mentales sur la façon dont les nazis
respecteraient le pacte. Comme Ribbentrop prenait congé, il l'attira à l'écart
: « Le gouvernement soviétique, lui dit-il, prend le nouveau pacte très au
sérieux. Il est prêt à s'engager sur l'honneur à ce que l'Union Soviétique ne
trahisse jamais son partenaire. »
Qu'avaient donc signé les nouveaux partenaires?
Le traité tel qu'on le publia, comportait l'engagement pour les
deux parties de s'abstenir de toute attaque opposant l'une à l'autre. Au cas où
l'une d'entre elles serait l' « objet d'une action hostile » de la part d'une tierce puissance, l'autre partie « ne soutiendrait en
aucune façon cette tierce puissance ». De plus, l'Allemagne et la Russie
s'engageaient respectivement « à ne participer à aucun groupement de puissances
qui serait directement ou indirectement dirigé contre l'autre partie [205] ».
Ainsi Hitler obtint-il exactement ce qu'il voulait : l'assurance
immédiate que l'Union Soviétique ne s'allierait pas à la Grande-Bretagne et à
la France si celles-ci honoraient la garantie donnée à la Pologne en cas
d'agression de la part de l'Allemagne [206] .
Le prix qu'il paya fut stipulé dans le « Protocole Additionnel
Secret » du traité.
A l'occasion de la signature du Pacte de non-agression
entre l'Allemagne et l'Union Soviétique, les plénipotentiaires soussignés ont
discuté, au cours de conversations strictement confidentielles, de la
délimitation de leurs sphères d'influence respectives en Europe orientale.
1. Dans l'éventualité d'un remaniement territorial et
politique des territoires appartenant aux États Baltes (Finlande, Esthonie,
Lettonie, Lithuanie) la frontière septentrionale de la Lithuanie représentera
la limite des sphères d'influence de l'Allemagne comme de l'U.R.S.S.
2. Dans l'éventualité d'un remaniement des territoires
appartenant à l'État polonais, les sphères d'influence de l'Allemagne comme de
l'U.R.S.S. seront approximativement limitées par la ligne constituée par les
fleuves Narev, Vistule et San.
Quant à la question de savoir si l'intérêt des deux Parties
permet de considérer comme souhaitable le maintien d'un État polonais
indépendant ainsi que la question du tracé des frontières dudit État, seuls les
développements politiques ultérieurs permettront de les
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