Le Troisième Reich, T1
question. Mais elle insista pour
que ce soient les gouvernements français et britannique qui se chargent de la
poser aux Polonais, en usant de toute leur influence pour mettre ceux-ci à la
raison.
On peut se demander si les Russes, qui au même moment étaient en
transactions avec les Allemands, négociaient de bonne foi avec les
représentants militaires anglo-français ou, comme les ministères des Affaires
étrangères britannique et français, pour ne pas parler de l'amiral Drax, le
conclurent ensuite, s'ils n'insistaient sur le droit de déployer leurs troupes
en Pologne que pour faire traîner les pourparlers en attendant de voir s'ils
pouvaient conclure un traité avec Hitler [202] .
Au début, les sources confidentielles britanniques et
françaises le révèlent, les Alliés occidentaux furent persuadés que la
délégation soviétique menait ses négociations en toute bonne foi — et même
qu'elle prenait sa tâche trop au sérieux. Le 13 août, après deux jours de
conversations d'états-majors, l'ambassadeur Seeds télégraphia à Londres que les
chefs militaires russes semblaient vraiment « mettre tout en œuvre ». Si bien
que les instructions qu'avaient reçues l'amiral de « procéder très lentement »
furent modifiées, et que le 15 août son gouvernement lui enjoignit de seconder
Doumenc pour amener les conversations militaires à conclusion « aussitôt que
possible ». En particulier, les restrictions sur la livraison de renseignements
militaires confidentiels aux Russes furent levées.
A la différence des premières instructions de temporiser données
à l'amiral britannique, celles que reçut, de Daladier en personne, le général
Doumenc étaient d'essayer de conclure un accord militaire avec les Russes
aussitôt que possible. En dépit des craintes de fuite au profit des Allemands
exprimées par les militaires, Doumenc, le second jour des conversations, avait
confié aux Russes des « chiffres si hautement confidentiels », ainsi qu'il les
qualifia, que les interlocuteurs soviétiques promirent de les « oublier » dès
la fin de la réunion.
Le 17 août encore, après avoir, Drax et lui, vainement attendu
pendant trois jours des instructions de leurs gouvernements sur la réponse à
donner à la question de l'attitude polonaise, le général Doumenc télégraphiait à
Paris : « L'U.R.S.S. veut un pacte militaire. Elle ne veut pas que nous
donnions une feuille de papier sans engagements substantiels. Le maréchal
Vorochilov a déclaré que tous les problèmes... se résoudraient sans difficulté
dès que la question qu'il qualifiait de cruciale serait réglée. » Doumenc
pressait fortement Paris de persuader Varsovie d'accepter l'aide russe.
Contrairement à la conviction alors largement répandue, non
seulement à Moscou mais dans les capitales occidentales, que les gouvernements britannique
et français ne firent rien pour inciter Varsovie à accepter que les troupes
soviétiques affrontent les Allemands sur le sol polonais, des documents
récemment publiés prouvent que Londres et Paris allèrent très loin dans ce
sens... mais pas tout à fait assez. Il est clair aussi que les Polonais
réagirent avec un incroyable aveuglement (31).
Le 18 août, après la première tentative anglo-française pour
ouvrir les yeux des Polonais, le ministre des Affaires étrangères Beck déclara
à l'ambassadeur de France Léon Noël que les Russes n' « avaient aucune valeur
militaire ». Il était soutenu par le général Stachiewiez, chef de l'état-major
général polonais, qui déclara qu'il ne voyait « aucun avantage à retirer de la
présence des troupes de l'Armée Rouge en Pologne ».
Le lendemain, les ambassadeurs de Grande-Bretagne et de France
retournèrent trouver Beck pour le presser de consentir à la proposition russe.
Le ministre des Affaires étrangères polonais demeura sur ses positions, mais
promit de leur donner le lendemain sa réponse officielle. La démarche
anglo-française à Varsovie était le résultat d'une conversation qui avait eu
lieu plus tôt dans la journée du 19 entre Bonnet, le ministre des Affaires
étrangères français, et le chargé d'affaires anglais. A la surprise de son
interlocuteur, Bonnet, qui avait tant cherché à apaiser Hitler, se montrait
très agité à la perspective de perdre l'alliance russe à cause de l'obstination
des Polonais.
Il serait désastreux, déclara Bonnet, que le refus polonais
dût faire échouer les négociations avec
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