Le Troisième Reich, T1
de lui faire entendre que leurs contacts
allaient prendre fin.
Il y a une chose dont j'ai peur, dit-il. Les Français et
les Anglais ont fait traîner trop longtemps les pourparlers politiques et
militaires. C'est pourquoi nous ne pouvons, en ce moment, exclure la
possibilité de certains événements politiques [204] .
RIBBENTROP A MOSCOU:
23 AOUT 1939
C'est alors que survinrent les « certains événements politiques
» annoncés.
Nanti des pleins pouvoirs, écrits de la main du Führer, pour conclure avec l'Union Soviétique un traité de non-agression et «
autres accords » devant prendre effet dès leur signature, Ribbentrop s'envola
pour Moscou le 22 août. La nombreuse délégation allemande passa la nuit à
Kœnigsberg, en Prusse-Orientale, où le ministre des Affaires étrangères nazi,
si l'on en croit le docteur Schmidt, travailla jusqu'à l'aube, téléphonant sans
arrêt à Berlin et à Berchtesgaden et prenant notes sur notes en vue de ses
entretiens avec Staline et Molotov.
Les deux gros avions de transport Condor où avait pris
place la délégation allemande atterrirent à Moscou à midi, et, après un repas
rapide à l'Ambassade, Ribbentrop se précipita au Kremlin pour affronter le
dictateur soviétique et son commissaire aux Affaires étrangères. La première
entrevue dura trois heures et, comme Ribbentrop en avisa Hitler par télégramme
« très urgent », les choses se passèrent au mieux pour les Allemands (32). Si
l'on en croit le télégramme du ministre des Affaires étrangères, il n'y eut
aucune difficulté à parvenir à un accord sur les termes d'un pacte de
non-agression maintenant l'Union Soviétique en dehors de la guerre projetée par
Hitler.
En fait, la seule difficulté à se présenter, signala-t-il, était
incontestablement d'ordre mineur et portait sur le partage des dépouilles. Les
Russes, dit-il, exigeaient que l'Allemagne reconnaisse les petits ports lettons
de Libau et de Windau « comme faisant partie de leur sphère d'influence ».
Puisque la Lettonie tout entière devait faire partie de la zone attribuée à la
Russie le long de la ligne de partage entre les intérêts des deux puissances,
cette requête ne posait pas de problème et Hitler y céda rapidement. Ribbentrop
avertit aussi le Führer après la première conférence que « la signature d'un
protocole secret sur la délimitation des sphères d'influence respectives dans
tout le secteur oriental était envisagée ».
L'ensemble des clauses — pacte de non-agression et protocole
secret — fut signé au Kremlin plus tard dans la soirée, au cours d'une seconde
entrevue. Les Allemands et les Russes avaient si facilement abouti à un accord
que cette séance pleine de cordialité qui se prolongea jusqu'à l'aube du
lendemain ne ressembla guère à un âpre marchandage, mais se présenta comme une
discussion chaleureuse et amicale sur l'état du monde, pays par pays,
s'accompagnant des effusions et des toasts de rigueur dans les réceptions de
gala du Kremlin. L'un des membres de la délégation allemande a consigné dans un
procès-verbal l'incroyable scène à laquelle il assista (33).
Aux questions de Staline sur les ambitions des partenaires de
l'Allemagne, l'Italie et le Japon, Ribbentrop fournit des réponses d'une
rassurante désinvolture. En ce qui concernait la Grande-Bretagne, le dictateur
soviétique et le ministre nazi, lequel était parvenu au meilleur de sa forme,
tombèrent immédiatement d'accord. La mission militaire britannique, confia
Staline à son hôte, n'avait « jamais révélé au gouvernement soviétique ses
véritables intentions ».
Ribbentrop répondit en soulignant que la Grande-Bretagne avait toujours
essayé de brouiller les relations entre l'Allemagne et l'Union Soviétique. «
L'Angleterre est faible, dit-il d'un ton suffisant, et elle veut abandonner aux
autres le soin de se battre pour soutenir ses présomptueuses revendications à
la domination du monde. » Staline se rallia avec enthousiasme à cette opinion,
relate le mémorandum allemand. « Si l'Angleterre domine le monde, dit-il, elle
ne le doit qu'à la stupidité des autres pays qui se laissent toujours bluffer
par elle. »
A ce stade, le dirigeant soviétique et le ministre d'Hitler en
étaient arrivés à une telle entente qu'ils purent aborder sans gêne la question
du Pacte anti-Komintern. Ribbentrop expliqua, une fois de plus, que ce pacte
n'était pas dirigé contre la Russie, mais contre les
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