Le Troisième Reich, T1
et il ne les déçut pas. Son éloquence était aussi entraînante
que jamais. Malgré les nombreuses défections et les tristes perspectives,
Hitler expliqua clairement qu'il se considérait toujours comme le chef
dictatorial du parti.
« Moi seul dirige le mouvement, et personne ne pourra
m'imposer de conditions aussi longtemps que j'assumerai personnellement cette
responsabilité », déclara-t-il. Puis il ajouta : « Une fois de plus j'assume
l'entière responsabilité de tout ce qui se fait au sein du mouvement. »
Hitler s'était rendu au meeting avec des décisions bien arrêtées
à propos de deux objectifs qu'il entendait s'efforcer d'atteindre. Le premier
était de concentrer tout le pouvoir entre ses mains. Le second était de refaire
du Parti nazi une organisation politique qui rechercherait le pouvoir
exclusivement par des moyens constitutionnels. Il avait expliqué la nouvelle
tactique à l'un de ses hommes de main, Karl Ludecke, alors qu'il était encore
en prison :
« Quand je reprendrai mon activité, il faudra poursuivre une
nouvelle politique. Au lieu d'oeuvrer pour arriver au pouvoir grâce à un coup
de force, il nous faudra nous boucher le nez et entrer au Reichstag malgré les
députés catholiques et marxistes. S'il faut plus longtemps pour les battre aux
élections que pour les abattre dans la rue, du moins le résultat sera-t-il
garanti par la constitution même qu'ils ont promulguée. Tout processus qui
respecte la légalité est lent... Mais, tôt ou tard, nous aurons une majorité...
et après cela l'Allemagne (1). »
Dès sa sortie de Landsberg, il avait assuré au Premier bavarois
que le Parti nazi agirait désormais dans le cadre de la constitution. Mais, lorsqu'il
fit sa réapparition au Buergerbräukeller le 27 février, il se laissa
emporter par l'enthousiasme de l'assistance. Ses menaces contre l'État étaient
à peine voilées. Le régime républicain, c'était « l'ennemi », tout comme les
marxistes et les Juifs. Et dans sa péroraison il s'était écrié : « Ce combat
qui est le nôtre ne peut avoir que deux issues : ou bien c'est l'ennemi qui
nous passe sur le corps, ou bien c'est nous qui passons sur le sien! »
Le « fauve » en l'occurrence, pour sa première apparition en
public après son emprisonnement, ne semblait pas du tout « domestiqué ». De
nouveau il menaçait l'État, malgré ses promesses de se tenir tranquille. Le
gouvernement de Bavière lui interdit aussitôt de prendre la parole en public,
interdiction qui devait durer deux ans. Les autres États l'imitèrent. C'était
un rude coup pour un homme que ses dons d'orateur avaient mené si loin. Un
Hitler réduit au silence, c'était un Hitler vaincu, aussi peu dangereux qu'un
boxeur menottes aux poings sur un ring. Tel était du moins l'avis de la plupart
des gens.
Mais, une fois encore, ils se trompaient. Ils oubliaient
qu'Hitler était un organisateur tout autant qu'un enchanteur. Maîtrisant sa
fureur devant cette interdiction, il se mit à l'œuvre avec acharnement pour rebâtir
le Parti national socialiste des Travailleurs allemands et pour en faire une
organisation comme l'Allemagne n'en avait jamais connu. Il se proposait d'en
faire comme de l'armée un État dans l'État. La première tâche était d'attirer
des membres payant des cotisations. A la fin de 1925, ils étaient à peine 27
000. Les progrès étaient lents mais constants chaque année : 49 000 membres en
1926; 72 000 en 1927; 108 000 en 1928; 178 000 en 1929.
Plus importante encore était l'édification d'une structure du
parti correspondant à l'organisation du gouvernement allemand, et même de la
société allemande. Le pays fut divisé en secteurs ou Gaue , qui
correspondaient à peu près aux 34 secteurs électoraux du Reichstag, et à la
tête desquels se trouvaient autant de Gauleiter nommés par Hitler. Il y
avait encore 7 autres Gaue pour l'Autriche, Dantzig, la Sarre et la
région des Sudètes en Tchécoslovaquie. Un Gau était divisé en Kreise ,
ou cercles, présidés par un Kreisleiter . La subdivision suivante du
parti était l’ Ortsgruppe — groupe local — et, dans les villes, ces
groupes se divisaient encore en cellules par rue ou par bloc d'immeubles.
L'organisation politique du Parti nazi comprenait deux groupes :
le P.O. I, comme on l'appelait, était conçu pour attaquer et saper le
gouvernement, et le P.O. II pour former un État dans l'État. Ainsi le second
groupe comprenait des services s'occupant de
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