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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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cette prospérité
générale.
    Ce fut à cette époque que j'eus mes premiers contacts personnels
avec l'Allemagne. J'étais alors en poste à Paris et j'allais de temps en temps
à Londres, et pour fascinantes que fussent ces capitales aux yeux d'un jeune
Américain heureux d'avoir échappé à l'incroyable suffisance de l'ère de Calvin
Coolidge, leur éclat pâlissait un peu quand on se retrouvait à Berlin ou à Munich.
Un merveilleux ferment travaillait l'Allemagne. La vie semblait plus libre,
plus moderne, plus excitante que dans tous les autres endroits que j'avais
connus. Nulle part ailleurs les arts ni la vie intellectuelle ne semblaient
connaître un pareil essor. Dans le domaine de la littérature, de la peinture,
de l'architecture, dans celui de la musique et du théâtre, se dessinaient de
nouveaux courants, apparaissaient des talents remarquables. Partout, on mettait
l'accent sur la jeunesse.
    On passait toute la nuit à veiller avec des jeunes aux terrasses
des cafés, dans les bars douillets, dans les camps de vacances, sur un vapeur
lors d'une croisière sur le Rhin ou dans l'atelier noyé de fumée d'un artiste
et à discuter indéfiniment de la vie. C'était une jeunesse saine, insouciante,
aimant le soleil et douée d'un énorme appétit de complète liberté. Le vieil
esprit prussien tyrannique semblait mort et enterré. La plupart des Allemands
que l'on rencontrait — hommes politiques, écrivains, éditeurs, artistes, professeurs,
étudiants, hommes d'affaires, chefs syndicalistes — affichaient tous un esprit
démocratique, libéral, voire pacifiste.
    C'était à peine si l'on entendait parler d'Hitler ou des nazis,
sauf pour se moquer d'eux — généralement à propos du putsch de la Brasserie,
comme on disait. Lors des élections du 20 mai 1928 le Parti nazi ne recueillit
que 810 000 voix sur un total de 31 millions et ne comptait qu'une douzaine de
représentants sur les 491 membres du Reichstag. Les nationalistes conservateurs
essuyèrent aussi de lourdes pertes, leur parti ne recueillant plus que 4
millions au lieu de 6 millions en 1924, et les sièges qu'ils occupaient au
parlement passant de 103 à 73. Par contre les sociaux-démocrates gagnaient 1
250 000 voix aux élections de 1928, atteignant ainsi un total supérieur à 9
millions et leurs 153 sièges au Reichstag faisaient d'eux
le plus important parti politique d'Allemagne. Dix ans après la fin de la
guerre, la République allemande semblait avoir enfin trouvé son équilibre.
    Le Parti national socialiste, en cet anniversaire de 1928,
comptait 108 000 membres. Pour faible que fût ce chiffre, il s'accroissait
lentement. Quinze jours après sa sortie de prison à la fin de 1924, Hitler
s'était précipité chez le docteur Heinrich Held, Premier ministre
de Bavière et chef du Parti catholique du Peuple bavarois. En échange de sa
promesse de se tenir tranquille (car Hitler avait été libéré sur parole), Held avait accepté de lever l'interdit qui frappait le Parti
nazi et son journal.
     « Le fauve est domestiqué, déclara Held à
son ministre de la Justice, Guertner. Nous pouvons nous permettre de relâcher
un peu sa chaîne. »
    Le Premier bavarois était ainsi l'un des premiers politiciens
allemands, mais pas le dernier tant s'en faut, à commettre cette fatale erreur
de jugement.
    Le Völkischer Beobachter reparut le 26 février 1925, avec un long éditorial signé
d'Hitler et intitulé « Un Recommencement. » Le lendemain, il prit la parole au
premier meeting organisé par le Parti nazi ressuscité au Buergerbräukeller , que ses fidèles disciples et lui avaient vu pour la dernière
fois le matin du 9 novembre un an et demi plus tôt, lorsqu'ils étaient partis
pour entreprendre cette marche qui devait si mal se terminer. Nombre de fidèles
partisans étaient absents. Eckart et Scheubner-Richter
étaient morts. Gœring était en exil. Ludendorff et Rœhm avaient rompu avec le
chef. Rosenberg, qui était à couteaux tirés avec Streicher et Esser, boudait la réunion.
    Il en allait de même de Gregor Strasser qui,
avec Ludendorff, avait dirigé le Mouvement national socialiste de la Liberté
allemande, pendant qu'Hitler était derrière les barreaux et le Parti nazi
interdit. Lorsque Hitler demanda à Anton Drexler de présider la réunion, le
vieux serrurier, fondateur du parti, lui dit d'aller au diable. Quelque quatre
mille partisans se retrouvèrent néanmoins dans la brasserie pour entendre de
nouveau Hitler,

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