Le vétéran

intérieur, Slade était au comble de l'exultation. Mon brave petit Hollandais, tu ne sais pas à qui tu t'attaques.
    - Cent soixante-dix mille livres, monsieur, qui...
    L'Américain agita son carton avec un hochement de tête. Les enchères montaient de plus en plus haut. L'assurance de De Hooft commençait à être ébranlée. Tendu, il fronçait maintenant les sourcils. Son patron lui avait dorme l'ordre d'acheter, mais il y avait sans doute une limite. ¿ un demi-million il tira de sa poche un petit téléphone portable, tapa énergiquement un numéro à douze chiffres et parla doucement en hollandais, l'air très sérieux. Inutile de se mêler des chagrins d'autrui. De Hooft hochait toujours la tête.
    ¿ huit cent mille livres, on se serait cru transporté dans une église.
    Slade faisait monter les enchères par tranches de deux mille livres.
    Naturellement p‚le, De Hooft avait à présent une mine de papier m‚ché. De temps en temps, il marmonnait quelques mots dans son mobile et continuait de renchérir.
    quand le million fut atteint, le bon sens l'emporta du côté d'Amsterdam.
    Levant les yeux, l'Américain remua lentement la tête tandis que le Hollandais secouait la sienne.
    - Un million de livres, adjugé... vendu !
    On entendit des soupirs dans l'assistance et De Hooft éteignit son portable. Foudroyant du regard l'Américain du Kentucky, il quitta la salle à grands pas.

    - Lot 103, paysage par Anthonie Palamedes, annonça Slade avec une feinte désinvolture.
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    Point de mire de tous les regards, l'Américain se leva pour sortir, escorté
    par une très jolie blonde.
    - Je vous félicite d'avoir emporté la vente, monsieur, minauda la jeune fille.
    - Sacrée matinée, fit l'Américain de sa voix traînante. Vous pourriez me dire o˘ se trouvent les toilettes pour hommes ?
    - Oh, les lavabos ? Tout droit, deuxième porte à droite.
    Elle le regarda entrer avec le sac de voyage qui ne l'avait pas quitté
    depuis le matin et resta dans les parages. Dès qu'il ressortirait, elle l'accompagnerait au service comptable pour régler les détails fastidieux.
    Enfermé dans les toilettes, Trumpington Gore sortit de son sac un porte-documents en cuir et des mocassins à talonnettes. En cinq minutes, il s'était débarrassé de sa barbiche et de sa perruque grise. Le pantalon marron et le manteau r‚pé subirent le même sort. D fourra le tout dans le sac de voyage qu'il lança dans la cour par la fenêtre. En bas, Benny Evans le rattrapa avant de se sauver.
    Deux minutes plus tard, l'archétype de l'homme d'affaires londonien sortait des toilettes. Cheveux bruns clairsemés et plaqués en arrière, lunettes à
    monture dorée. H avait pris quelques centimètres et arborait l'élégant complet à fines rayures qu'il avait loué, une chemise Thomas Pink et une cravate de la Brigade of Guards. En passant devant la jeune fille qui attendait toujours, il ne put s'empêcher de lui dire :
    - Une vente du tonnerre, pas vrai ? Vous avez vu cet Amer-loque qui a emporté le morceau ?
    Il fit un signe de tête vers la porte derrière lui avant de s'éloigner rapidement. La fille ne quittait pas des yeux la porte des toilettes.
    H fallut une semaine pour qu'on découvre le pot aux rosés, mais la nouvelle se répandit alors comme une traînée de poudre. Une enquête serrée révéla que si la dynastie Getty comptait de nombreux membres, aucun ne s'appelait Martin ni ne possédait de haras dans le Kentucky. quand la nouvelle commença à circuler, tout le monde fit des gorges chaudes de Darcy en général et de Peregrine Slade en particulier.
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    L'infortuné vice-président s'efforça de convaincre l'autre concurrent - Jan De Hooft qui représentait le vieux Van Den Bosch - d'acheter la toile pour un million. Peine perdue.
    - Sans votre imposteur, je l'aurais eue pour cent cinquante mille livres, lui déclara par téléphone le marchand hollandais. C'est donc le prix que je suis prêt à en donner.
    - Je vais me mettre en relation avec le vendeur, répondit Slade.
    Le tableau faisait partie de la succession d'un aristocrate allemand décédé
    depuis peu, un ancien SS, commandant de division blindée en Hollande pendant la dernière guerre. Cette f‚cheuse coÔncidence avait toujours rendu suspectes les conditions d'acquisition de ses peintures hollandaises, mais le vieux comte affirmait immanquablement qu'il les possédait avant guerre.
    H le prouvait d'ailleurs par des factures admirablement