Le vétéran

touche probablement à ce qu'on appelle les substances exotiques. Il occupe le fauteuil 3 OC. J'ignore la place du second, mais je parierais qu'il venait de première classe ou de la classe club. ª
    L'auteur décrivait alors le monsieur élégant et terminait par ces mots :
    ´Je ne voudrais surtout pas causer de dérangement, mais si ces deux individus sont en train de manigancer quelque chose, les autorités seront sans doute satisfaites d'en être informées. ª
    Espèce de crétin présomptueux ! pensa Adrian Fallon. Les autorités en question ne pouvaient être que le service des 204
    douanes, et il n'appréciait guère qu'on espionne ses passagers. H tendit la lettre à Harry Palfrey. Le chef de cabine en prit connaissance en faisant la grimace :
    - Un rendez-vous galant ?
    Fallon était au courant des mours de Harry Palfrey, qui savait qu'il savait. Aussi le commandant pesa-t-il soigneusement ses mots :
    - Rien ne laisse à penser qu'ils se plaisaient. En plus, o˘ ont-ils pu se rencontrer, si ce n'est à Bangkok ? Dans ce cas, pourquoi ne pas s'être donné rendez-vous à Heathrow plutôt que devant des toilettes o˘ ils n'ont même pas essayé d'entrer ? quelle poisse ! Harry, vous voulez bien m'apporter la liste des passagers ?
    Pendant que le chef de cabine allait la chercher, Fallon se donna un coup de peigne, rajusta sa chemise et demanda au commandant de bord de relève :
    - Position actuelle ?
    - On approche des côtes grecques. Il y a un problème, Adrian ?
    - J'espère que non.
    Palfrey revint avec la liste. Le fauteuil 3 OC avait été attribué à un dénommé Kevin Donovan.
    - Et l'autre, le bonhomme élégant ?
    - Je pense l'avoir vu, répondit Palfrey. Première classe, fauteuil 2K. (Il chercha sur sa liste.) Un certain Hugo Seymour.
    - H faut vérifier avant de se précipiter, fit le commandant. Descendez discrètement et allez faire un tour en première et en classe club. Essayez de repérer un pantalon en soie crème dépassant des couvertures. Regardez aussi dans le vestiaire pour voir s'il n'y aurait pas la veste assortie.
    Palfrey hocha la tête et descendit à pas feutrés. Fallon demanda un café
    noir bien serré et consulta les informations de vol. Gr‚ce au système de positionnement par inertie dans lequel on avait entré l'itinéraire neuf heures auparavant, juste avant le décollage, l'appareil avait respecté la trajectoire et les horaires prévus ; à quatre heures de l'atterrissage, il était en train de survoler la Grèce. H était deux heures du matin à Londres et trois heures en Grèce, et il faisait encore nuit noire. On apercevait des
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    lumières par une trouée entre les nuages, et les étoiles scintillaient au-dessus de l'appareil.
    Adrian Fallon n'avait pas plus d'esprit civique que la moyenne, et certainement moins que le crétin anonyme qu'il transportait en classe touriste ; mais là, il se trouvait confronté à un dilemme. Le message ne suggérait en aucune manière que son avion était en danger, et dans ces conditions, il fut d'abord tenté de ne pas en tenir compte. D y avait quand même un hic : il était vice-président du conseil de surveillance de l'Association des pilotes de ligne du Royaume-Uni. Si l'on découvrait bel et bien quelque chose à Heathrow et qu'un des deux passagers avait des démêlés avec la police ou les douanes pour un délit sérieux, si l'on apprenait aussi qu'il n'avait pas bougé alors qu'on lui avait personnellement signalé les deux individus, il aurait beaucoup de mal à se justifier. Il ne savait vraiment pas quoi faire. Tandis que les Balkans succédaient à la Grèce, il prit une décision. Harry Palfrey avait vu le message, sans parler du ´ bon citoyen ª qui l'avait rédigé. Si les choses se g‚taient à Heathrow, personne n'étoufferait l'affaire pour le couvrir.
    Mieux valait se mettre à l'abri que se mordre les doigts plus tard. Il résolut de transmettre un avertissement sans provoquer d'affolement, non pas au service des douanes, mais à l'officier de la British Airways qui devait s'ennuyer ferme pendant sa permanence de nuit à Heathrow. S'il communiquait par radio, tous les pilotes en route vers Heathrow - au moins une bonne vingtaine - seraient immédiatement informés. ¿ ce compte-là, autant passer une annonce dans le Times. Cependant, les appareils de la British Airways sont équipés d'un gadget appelé ACARS. H lui permettrait de contacter la British Airways à Heathrow en gardant une certaine