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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Boris Thiolay
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qu’il fréquentait l’hôtel Majestic, le siège du Haut commandement militaire allemand en France, tout près de l’Arc de Triomphe. Ce qui est sûr, c’est qu’au printemps 1944, sa mère, âgée de 34 ans, enceinte, est admise au château Menier. « Quand elle a accouché, on lui a demandé si elle voulait abandonner son enfant », raconte Erwin. Élisabeth ne séjourne pas longtemps au Lebensborn . Au bout de quelques semaines, elle part avec le nouveau-né vers l’Allemagne. Il semble que le père les ait accompagnés. À Dortmund, Élisabeth Grinski est hébergée par Pellat, l’une de ses sœurs qui vit sur place depuis les années 1920. La cohabitation est difficile. Le père d’Erwin serait rapidement parti. En fait, il était déjà marié en Allemagne. « Nous avons passé les derniers mois de la guerre dans cette ville, terrés dans les abris souterrains, pour échapper aux bombardements Alliés », ajoute Erwin. D’après ce qu’il sait, il est rentré en France fin 1945, ou début 1946. Âgé de moins de deux ans, il est accompagné par la Croix-Rouge, en train, jusqu’à la gare d’Avignon. Florentine, l’une des sœurs de sa mère, y habite avec son mari. Le couple recueille le petit. Élisabeth ne les rejoint que l’année suivante. Au bout de quelques mois, elle décroche un emploi de couturière. Puis elle dégote un appartement minuscule, sans eau courante, ni électricité, ni toilettes.
    À 4 ans, le petit garçon, que tout le monde appelle Hervé, est atteint d’une pleurésie. On l’envoie en sanatorium. C’est à ce moment qu’Élisabeth le reconnaît auprès de la mairie de Lamorlaye. « Jusqu’alors, je n’existais pas officiellement », constate Erwin Grinski. Le petit Hervé a 8 ans quand il met pour la première fois les pieds à l’école. Il décrochera pourtant son certificat d’études à 14 ans, en candidat libre. L’année suivante, il commence son apprentissage dans un garage.
    De son enfance, Erwin conserve le souvenir des mômes, à l’école des Franciscains, qui le traitaient de « sale boche », parce qu’il était blond et grand pour son âge. S’ils avaient pu savoir…
    Élisabeth Grinski n’a jamais refait sa vie. Elle portait sa croix. Sa seule distraction était de se rendre utile auprès de la communauté franciscaine. Murée dans le silence, elle refusait de livrer à Hervé l’identité de son père. À deux reprises, ils sont allés rendre visite à la famille maternelle, à Dortmund. Bien sûr, personne n’a évoqué l’histoire de l’officier. Au fil des années, le jeune homme a appris à ne plus rien demander. Ce n’est qu’en 1987, à l’âge de 43 ans, qu’il a découvert le nom de son « géniteur » – c’est ainsi qu’il le dénomme. Sa mère devait renouveler sa carte d’identité. Elle lui a demandé de chercher un document dans une vieille valise. Il est alors tombé sur son propre certificat de baptême, établi à Dortmund, au début de 1945. Le nom d’un homme lui a sauté aux yeux : Erwin Konstant Schmitt. Hervé/Erwin a compris instantanément d’où provenait son véritable prénom… « Ma mère m’a arraché le papier des mains, l’a déchiré et l’a jeté au feu », ajoute-t-il. C’était probablement l’unique preuve écrite de son bref séjour en Allemagne, sous les bombes.
    Je n’ai trouvé dans les archives aucune autre mention d’Erwin Grinski, le petit garçon qui n’a existé qu’à partir de l’âge de quatre ans. « Parfois, j’ai du mal à croire que je suis né dans un endroit pareil. Je ne dois pas être le seul dans ce cas. Souvent, je me demande où sont passés les autres enfants… » Pour la première fois depuis le début de son récit, une larme coule sur son visage. Pourquoi être sorti du silence ? « Peut-être que quelqu’un me reconnaîtra… » Derrière les rideaux, le soleil avait commencé à décliner.
    Au pied de l’immeuble, de l’autre côté de la rue, j’ai attendu le taxi qui devait me ramener à la gare. Les jeunes du hall, à leur poste, se demandaient ce que je faisais là. Au troisième étage, Erwin est sorti sur son petit balcon. J’ai fait un geste de la main. Il m’a répondu avec le même geste. Je me suis demandé ce qu’il voyait. Une ombre qui disparaît dans une voiture.

 
    III
    Walter, Gisèle et la liste des 17
    « Je pense être né en juin 1943 plutôt que le 1 er janvier 1944, comme l’affirment les documents.

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