L’élixir du diable
drogue. Qui sait ? Peut-être avait-il menti, quant à l’endroit où elle se trouvait. Tout ce qui me reste, c’est ça…
Navarro prit un petit tube en acier, scellé, de la taille d’un gros cigare.
— Là se trouve le reste de ce que McKinnon m’a donné.
— Alors vous avez commencé à enlever des chimistes pour les obliger à la fabriquer, avançai-je.
— Ils en étaient incapables. Tous. Ils n’ont pas pu identifier tous les composants, ni les réactions chimiques qui produisaient la drogue. Je perdais patience. C’est alors que j’ai entendu parler d’Alex et de ses séances dans votre cabinet, docteur, dit-il à l’adresse de Stephenson.
Son regard se tourna de nouveau vers moi.
— Et j’ai appris qu’Alex était votre fils, dit-il, le visage illuminé. Les astres étaient dans l’alignement. Un karma parfait.
— Comment ? demanda Stephenson. Comment avez-vous appris que je soignais Alex ? Mon travail n’est pas public…
— Vous faites autorité en matière de réincarnation, docteur. J’en sais probablement plus que vous sur votre propre travail.
Il eut un sourire suffisant, glacé.
— Les ordinateurs de l’université ne sont pas aussi bien protégés qu’on le pense. Un hacker n’a eu aucun mal à me faire accéder à votre disque dur. J’ai lu tout ce qui concernait votre travail du moment, tous les mails à votre « cercle fermé » de chercheurs…
J’étais toujours en train de penser ce que Navarro nous avait expliqué à propos de cette drogue. Elle permettait de revivre des vies antérieures. Et il allait s’en emparer grâce à l’expérience de vie antérieure de quelqu’un (mon fils !), qui était la réincarnation du type qui avait possédé la formule.
Le sang battait derrière mes tempes.
Navarro s’approcha de Stephenson et lui passa un bras autour du cou.
— Docteur, j’ai besoin de vous pour obtenir cette formule d’Alex. Vous allez m’aider à prouver que je n’ai pas perdu mon temps. Je peux être très généreux. Je peux aussi être très désagréable.
Il prit le menton de Stephenson et serra très fort.
— Et pour bien me faire comprendre, je veux que vous regardiez très attentivement… Il est dommage que tout cela ne soit que des mots, pour vous, poursuivit-il en se tournant vers moi. Au moment où votre âme s’apprête à faire son dernier voyage. Un voyage sans retour…
Navarro ouvrit un coffret de bois recouvert de sculptures complexes. Il en sortit un tuyau de silicone, un bol en terre cuite, un bâton de bois sculpté et cinq fioles en grès. Il s’accroupit et se mit à verser dans le bol le liquide contenu dans les fioles, tout en marmonnant des paroles incompréhensibles. La concoction, qui avait la consistance de la boue, prit une teinte écœurante de moutarde.
Ses hommes prirent position à ma gauche et à ma droite, et m’entraînèrent vers une lourde chaise de bois. Je décidai de ne pas leur faciliter la tâche. Je bousculai le premier d’un coup de l’épaule droite, à la manière d’un linebacker. Mon poids nous entraîna tous les deux jusqu’au mur, contre lequel je l’écrasai du mieux que je pus, expulsant l’air de ses poumons.
C’est alors que je sentis une douleur fulgurante au bas du dos. Le second tueur m’avait frappé à la volée avec un tuyau métallique. Il remit ça aussitôt, au même endroit. Je tentai de me retourner, mais le comparse que j’avais poussé contre le mur me saisit les bras et les immobilisa. Le voyou au tuyau de métal le balança une troisième fois, pour faire bonne mesure. La douleur m’arracha un hurlement et je m’écroulai sur le sol en gémissant.
Ils me soulevèrent en me prenant par les aisselles et me traînèrent jusqu’à la chaise. Navarro se tenait à côté. Ils m’attachèrent. Mon dos qui enflait déjà appuyait douloureusement contre le dossier de bois, ce qui n’arrangeait rien.
Un des voyous me prit le menton d’une main et m’écrasa le nez de l’autre pour m’obliger à ouvrir la bouche. D’un geste adroit, Navarro m’introduisit le tuyau dans la gorge. Je résistai au besoin de cracher, mais je ne pouvais pas respirer. Ma gorge essaya en vain d’expulser le corps étranger qu’on y insérait de force. Navarro retint le bout du tuyau jusqu’à ce que je sois obligé de déglutir. Alors il continua de le pousser vers mon estomac.
L’homme me lâcha le nez, ce qui me permit de respirer à fond plusieurs fois. Puis les deux
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