L’élixir du diable
instants et gardais mon arme braquée vers eux, résistant à la tentation de tirer pour ne pas gaspiller mes munitions. Pour ne pas m’offrir de cibles faciles, ces gros salopards longeaient les murs, ne se penchant par-dessus la rampe que pendant une fraction de seconde, le temps de lâcher quelques balles. Apparemment, eux n’avaient pas de soucis d’intendance… Nous dévalâmes ainsi les six étages aussi vite que possible puis Michelle et moi fîmes irruption dans le hall de l’hôtel, au rez-de-chaussée.
Agitant mon arme, je braillai « Tout le monde à terre ! » tandis que nous traversions le vaste espace en courant vers la sortie. Il y avait peu de gens dans le hall et les quelques personnes qui s’y trouvaient tournèrent vers nous des regards médusés ; certaines détalèrent en hurlant tandis que d’autres demeuraient clouées sur place. Au moment où nous passions devant l’ascenseur, les portes s’ouvrirent, un des trois hommes en sortit, se retrouva dans nos pattes. Michelle l’esquiva avec l’habileté d’un trois-quarts aile et continua à courir, me laissant le soin de m’occuper de lui. Je le percutai violemment, mon avant-bras levé heurtant sa mâchoire, la force du coup le projetant à terre. Il lâcha son arme et je parvins à la pousser au loin du pied, sans ralentir ni quitter le sillage de Michelle.
Nous nous retrouvâmes dehors sur le parvis de l’hôtel. Il jouxtait un parking de taille moyenne où les clients se garaient eux-mêmes, faute de service de voiturier. Haletant, le cœur cognant furieusement contre ma cage thoracique, j’inspectai le parking et repérai aussitôt ce que je pensais bien y trouver : une camionnette, blanche, garée face à l’entrée de l’hôtel, avec à l’intérieur une silhouette, celle d’un quatrième type qui ouvrit sa portière et descendit en trombe dès qu’il nous vit.
— Par ici ! fis-je en entraînant Michelle dans l’autre direction.
Une voiture s’engagea alors dans le parking et roula vers un emplacement libre.
— Là, dis-je à Michelle, le bras tendu vers la berline bleue. Cette voiture. Fonce !
Elle s’élança tandis que je couvrais nos arrières et nous passions devant une rangée de véhicules garés quand une nouvelle pluie de balles crépita, perçant des carrosseries, faisant éclater un pare-brise juste derrière nous.
Je me retournai et ripostai aux deux tueurs qui se ruaient vers nous.
Nous arrivâmes à la Ford au moment où son chauffeur, un chauve bedonnant serré dans un costume, en descendait, effaré.
— Donne-moi tes clés ! lui intimai-je en lui enfonçant le canon de mon pistolet dans la joue pour ne pas le laisser plus longtemps dans l’indécision.
Le pauvre gars me tendit le trousseau du bout des doigts, je m’en emparai et l’écartai de la voiture en lui enjoignant :
— Allonge-toi !
Il se coucha aussi sec par terre et je criai à Michelle, tout en déverrouillant les portières :
— Monte !
Michelle poussa Alex entre les sièges avant, vers l’arrière de la voiture, et s’apprêtait à y monter quand je vis l’un des tireurs relever la tête de derrière le véhicule qui le dissimulait et nous viser. Je braquai mon arme, nous fîmes feu en même temps.
Une lame de frayeur me perça le cœur quand, tournant la tête sur le côté, je vis Michelle tituber.
Et aussi une petite tache sombre grandir sur sa poitrine.
— Mich ?
Sans répondre, elle disparut à l’intérieur de la voiture, rejoignant Alex à l’arrière.
Je jurai en moi-même, sachant ce qui venait d’arriver, sachant que c’était grave, une balle dans cette partie du corps, là où un cœur, des poumons et d’autres organes vitaux, vulnérables, étaient pressés les uns contre les autres. Mais je ne pouvais rien y faire pour le moment, excepté nous sortir de là. Je m’empressai de démarrer, passai la marche arrière, regardai par-dessus mon épaule en lançant la Ford hors de son emplacement.
Je ne pus que jeter un bref coup d’œil à Michelle mais ce que je vis d’elle m’enfonça un pic à glace dans les tripes. Elle avait les yeux écarquillés de peur et d’angoisse, le visage luisant de sueur.
— Bon Dieu, Mich, fis-je d’une voix rauque.
Elle baissa les yeux vers sa blessure, les leva vers moi et arrima son regard au mien, l’air perdue. Elle tenta de dire quelque chose et sa bouche remua d’abord en silence, puis elle parvint à articuler :
— Je suis… Putain, Sean, je
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