L’élixir du diable
même long intervalle entre nous. Ce n’était pas déterminant, mais ces deux bonshommes ne me plaisaient décidément pas.
Je repris de la vitesse et changeai de voie ; eux aussi.
Mon radar me vrillait les tympans.
Je ressentis une petite poussée d’excitation. Si ces gars me suivaient, ils devaient faire partie de l’équipe originelle, même si je ne voyais pas trop pourquoi ils me filaient. Je récapitulai rapidement ce que nous savions d’eux jusqu’ici. Ils avaient enlevé deux chercheurs. Ils s’en étaient pris à Michelle, par deux fois. Pourquoi me filer ? Michelle était morte. Je me demandai s’ils voulaient récupérer quelque chose que Michelle aurait détenu et qu’ils s’imaginaient peut-être en ce moment même être en ma possession. Ils avaient pris son ordinateur portable mais n’avaient peut-être pas réussi à entrer le bon mot de passe. Il me vint tout à coup une explication plus plausible : ils ne savaient peut-être pas que Michelle était morte, ni même blessée. Du coup, ils continuaient à la chercher pour la contraindre à leur donner ce qu’ils voulaient d’elle. Si mon hypothèse était la bonne, j’avais là une occasion d’en apprendre un peu plus sur leur compte. Je devais simplement veiller à ne pas faire de conneries au moment de les agrafer.
J’arrivais à la bretelle qui partait vers la droite pour rejoindre l’autoroute Martin Luther King Jr. Je la pris. La berline marron itou.
Je restai sur la voie de droite.
Vous pouvez imaginer ce que firent les deux types.
Mon cerveau tournait à plein régime, passait en revue les choix possibles. J’étais presque sûr qu’ils me filaient et je les voulais, ces types. A mort. Dans l’immédiat, je voyais deux problèmes à résoudre. D’abord, je devais trouver un endroit tranquille pour porter mon attaque. Ces hommes avaient plusieurs fois montré qu’ils n’hésitaient pas à faire des victimes innocentes et il n’était pas question que je tente quoi que ce soit là où des gens se retrouveraient en danger. Cette difficulté était aggravée par mon deuxième problème : je ne connaissais absolument pas San Diego et mon GPS ne m’apporterait pas de solution. Il pouvait m’aider, cependant, et je le mis en marche, pressant le bouton « Carte » avant d’appeler Villaverde sur mon portable.
Je gardai l’appareil hors de vue sur mes genoux et mis l’amplificateur dès que Villaverde répondit.
— Je crois qu’on me file, dis-je. Deux gars dans une berline marron. Je suis sur la 94.
Des panneaux annonçant l’aéroport apparurent devant moi et ne firent qu’entretenir ma colère.
— Tu peux lire leur plaque ? me demanda-t-il.
Je regardai dans le rétroviseur.
— Non, ils sont trop loin.
— OK, mmm… Laisse-moi… Comment tu veux la jouer ? On peut établir un barrage et…
— Non, trop long, le coupai-je. Je ne veux pas risquer de les perdre ou de les faire déguerpir.
— Je comprends mais tu ne peux pas non plus les affronter seul.
— D’accord. Pour le moment, j’ai surtout besoin de savoir où je vais…
Je regardai défiler les panneaux routiers, qui confirmaient ce que Villaverde m’avait dit dès le début : l’autoroute finissait et se transformerait très bientôt en F Street. Le central de la police de San Diego n’était plus qu’à quelques pâtés de maisons. Je pouvais m’y rendre, me garer au parking de la police et faire en douce le tour du bâtiment pour surprendre les types en train d’attendre que je reparte, mais la perspective de passer à l’action avec des renforts armés dans une rue pleine de monde ne me tentait pas du tout, pas face à des cyborgs à la gâchette facile. De toute façon, je n’avais plus trop le choix puisque j’allais arriver bientôt au bout de l’autoroute. Je tenais absolument à éviter les rues de la ville et les feux rouges – trop de piétons, moins d’options –, mais la seule sortie menait à l’autoroute de San Diego, en direction du nord.
Je regardai l’écran de mon GPS. L’autoroute filait vers le nord sur un kilomètre et demi, tournait ensuite à gauche et brièvement vers l’ouest, vers l’aéroport, avant de monter de nouveau vers le nord. Je ne pouvais pas courir le risque de prendre ce chemin après avoir constamment roulé en direction du sud depuis que j’avais quitté le bureau de Villaverde. Cela me ferait décrire une curieuse grande boucle qui alerterait très certainement mes deux suiveurs
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