L’élixir du diable
supprimé les Aigles de Babylone soient au courant de l’existence de Dani Namour.
Quelques rues avant notre destination, le casier de Dani nous parvint par le portable de Munro. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, elle avait apparemment réussi à garder le nez propre. Excepté deux ou trois contraventions, c’était, semblait-il, une citoyenne modèle. Ce qui était de bon augure pour sa fille.
Munro se gara sur le parking devant le grand magasin Macy’s et nous marchâmes vers l’entrée principale, indiquée par une tour octogonale surmontée d’une fausse coupole ressemblant de très loin aux dômes du Vatican qui l’avaient probablement inspirée. Un coup d’œil au plan nous permit de repérer « Vanessa » – la boutique où travaillait Dani –, dans la partie sud du centre commercial, en face d’une médiathèque CVS, et nous prîmes cette direction après que Munro se fut arrêté pour acheter deux sodas, ce qui me rappela que je roulais à vide depuis le matin.
Vanessa était une de ces boutiques de luxe qui ne proposent qu’un nombre limité d’articles, tous de grands noms de la haute couture. Une femme élégante et lourdement maquillée, la quarantaine, s’occupait d’une cliente tandis que sa collègue plus jeune, vingt-cinq ans environ, feuilletait un magazine derrière la caisse : Dani. Elle ne ressemblait pas du tout à ce à quoi je m’attendais, puisque je m’étais fait d’elle l’image d’une fille de motard. Ses vêtements, sa coiffure, son maquillage étaient irréprochables. Elle avait manifestement laissé derrière elle cette partie de sa vie, mais j’espérais qu’il restait quand même un lien avec ce monde, un lien aussi fort que le sang, en l’occurrence.
Munro demeura devant la porte tandis que j’entrais.
— Mademoiselle Namour ?
Elle avait déjà levé la tête et me détaillait. Impossible que je sois venu jusque-là pour acheter une robe.
— Oui ?
Son visage commençait à prendre l’expression de quelqu’un qui se rend compte que sa journée va mal tourner. Je lui montrai discrètement mon insigne après m’être assuré que la vendeuse plus âgée ne nous regardait pas.
— Nous pouvons sortir une minute ?
Dani lissa le devant de sa veste et se tourna vers sa collègue ou patronne.
— Suzie, j’ai besoin de m’absenter un instant pour aider ce monsieur.
Suzie eut un hochement de tête hésitant puis revint à sa cliente. Dani m’indiqua la porte et la franchit derrière moi.
— Les restaurants sont au niveau supérieur. Nous pourrons parler là-bas.
D’un signe, j’invitai Munro à nous suivre et nous nous dirigeâmes tous les trois vers l’escalator.
Dani avait de toute évidence progressé dans la vie après son passage chez les Aigles et je m’en voulais de réveiller toute cette souffrance, mais notre enquête était au point mort et il nous fallait quelque chose pour redémarrer. Nous nous installâmes à la terrasse d’un de ces restaurants mexicains qui sont un peu au-dessus des Taco Bell mais encore loin de l’authentique cuisine mexicaine.
— Je suis l’agent Reilly, du FBI, attaquai-je. Et voici l’agent Munro.
— DEA, précisa-t-il.
Avant que je puisse aller plus loin, elle m’interrompit :
— C’est au sujet de Walker, hein ?
Je confirmai.
— J’ai vu les infos, et vous perdez votre temps. Je ne suis au courant de rien, affirma-t-elle d’un ton ferme. Je n’ai plus rien à voir avec ces types depuis des années.
Sa colère et son amertume jaillirent si subitement que j’en fus presque surpris, bien que des années d’interrogatoire m’eussent appris que les sales trucs se trouvent toujours juste en dessous de la surface, qu’on puisse les voir ou non.
— Votre fille, Naomi, dis-je. C’est l’enfant de Marty, non ?
Quand je mentionnai le nom de sa fille, le visage de Dani se durcit.
— Pourquoi vous êtes là ? Naomi ne sait pas quel genre de type était son père et je veux que ça reste comme ça.
Munro prit le relais avec un timing parfait. Les mains à plat devant lui sur la table, il adressa à la jeune femme un large sourire.
— Vous avez refait votre vie, on n’est pas là pour tout bousiller. Quand les gens arrêtent de déconner, trouvent un boulot, élèvent leur gosse, paient leurs impôts… ça rend notre travail beaucoup plus facile. Une vie gâchée en moins, c’est une mort violente en moins à comptabiliser. Si toutes les copines, les femmes et les mères
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