L'empereur des rois
Marie-Louise, précise-t-il.
Il exige qu’Hortense lui donne des leçons de danse.
— Il faut à présent que je devienne aimable. Mon air sérieux et sévère ne plairait pas à une jeune femme. Elle doit aimer les plaisirs de son âge. Voyons, Hortense, vous êtes notre Terpsichore, apprenez-moi à valser.
Il s’y essaie. Il se sent maladroit, ridicule. Il quitte le salon.
— Laissons à chaque âge ce qui lui est propre, dit-il. Je suis trop vieux. D’ailleurs je vois que ce n’est pas par la danse que je dois briller.
Le matin, il se regarde longuement dans le miroir pendant que Constant et Roustam s’affairent autour de lui. Il est bedonnant déjà. Les cheveux sont devenus rares. Il fait appeler Corvisart, et dès que le médecin est entré il l’interroge, sans même le regarder.
Jusqu’à quel âge un homme peut-il conserver sa puissance en matière de paternité ? Soixante, soixante-dix ans ?
Cela se peut, répond prudemment Corvisart.
Cela sera. Mais comment est-elle, cette Autrichienne ? Il ne dispose que de quelques médaillons, d’un dessin représentant Marie-Louise. Il veut parler aux officiers qui l’ont vue à la cour de Vienne. Sa taille ? Son teint ? La couleur de ses cheveux ?
— J’ai de la peine à leur arracher quelques mots, dit-il à Corvisart. Je vois bien que ma femme est laide, car tous ces diables de jeunes gens n’ont pu me prononcer qu’elle était jolie. Je lui vois la lèvre autrichienne, ajoute-t-il en prenant le dessin. Enfin, qu’elle soit bonne et me fasse de gros garçons…
D’un trait de plume, il souligne les noms de ceux qu’il retient pour composer la maison de la future Impératrice. Il faut de la bonne et vieille noblesse et une maison sur le modèle de celle de Marie-Antoinette.
C’est ainsi. Fouché peut bien grogner. Le temps des régicides est fini. Je veux renouer tous les fils .
Le 16 février 1810, à Vienne, a lieu la ratification du contrat de mariage provisoire. La cérémonie du mariage par procuration se tiendra à Vienne le 11 mars. Marie-Louise se mettra en route le 13 mars. Et le mariage sera célébré à Paris, le 1 er avril.
Je suis devenu le neveu de Louis XVI et je reste moi .
Mon fils naîtra de l’union de toutes les dynasties, et je suis l’Empereur d’Occident .
Tout est en place. Il pense à Joséphine. Il a fait ce qu’il devait pour elle, mais il ne faut pas que sa présence soit comme une ombre trop pesante. Il faut qu’elle s’éloigne de Paris. Il veut qu’on aménage de toute urgence le château de Navarre, proche d’Évreux. Il faut qu’elle s’y rende. La Normandie n’est pas un exil.
« Mon amie, lui écrit-il, j’espère que tu auras été contente de ce que j’ai fait pour Navarre. Tu y auras vu un nouveau témoignage du désir que j’ai de t’être agréable.
« Fais prendre possession de Navarre. Tu pourras y aller le 25 mars, passer le mois d’avril.
« Adieu, mon amie.
« Napoléon »
Avril, le mois de mon mariage. Joséphine comprendra .
Il s’enferme dans son cabinet de travail à Rambouillet. Il va écrire sa première lettre à Marie-Louise. Il fait préparer ses plumes et le papier par Méneval, puis commence, déchire le feuillet après quelques lignes. Il doit maîtriser son écriture, la rendre lisible.
Il prend le petit portrait de lui qu’il veut faire porter à l’archiduchesse. Berthier le remettra.
Il recommence à écrire.
« Ma Cousine,
« Les brillantes qualités qui distinguent votre personne nous ont inspiré le désir de la servir et honorer en nous adressant à l’Empereur, votre père, pour le prier de nous confier le bonheur de Votre Altesse Impériale. »
Il s’arrête. Il a la tentation de renoncer. Il préfère la charge à ces ronds de jambe. Il reprend pourtant :
« Pouvons-nous espérer qu’elle agréera les sentiments qui nous portent à cette démarche ? Pouvons-nous nous flatter qu’elle ne sera pas déterminée uniquement par le devoir de l’obéissance à ses parents ? Pour peu que les sentiments de Votre Altesse Impériale aient de la partialité pour nous, nous voulons les cultiver avec tant de soin et prendre la tâche de lui complaire en tout, que nous nous flattons de réussir à lui être agréable un jour : c’est le but où nous voulons arriver et pour lequel nous prions Votre Altesse de nous être favorable.
« Sur ce, nous prions Dieu, ma Cousine, qu’il vous ait en Sa Sainte et
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