L'empereur des rois
affoler l’opinion avec des rumeurs de guerre.
« Pour ne pas faire trop de bruit à Paris, ces régiments peuvent faire la première marche à pied, comme à l’habitude, et ne prendre les voitures qu’à une journée de Paris. »
Il faut que Joseph soit rapidement à pied d’oeuvre à Madrid.
Il va à la rencontre de son frère à la sortie de Bayonne. Joseph s’inquiète, assure que le pape demande à tous les évêques espagnols de refuser de reconnaître ce « roi franc-maçon, hérétique, luthérien, comme sont tous les Bonaparte et la nation française ». Joseph, toujours pusillanime et qu’une rumeur inquiète, est terrorisé.
Napoléon le prend par le bras, le conduit dans la salle à manger du château de Marracq où un dîner est donné en son honneur. Il le rassure. Les délégués espagnols, réunis en une junte, l’ont reconnu comme souverain.
— Soyez sans inquiétude, rien ne vous manquera. Soyez gai, et surtout portez-vous bien !
Joseph hésite. Il a rassemblé ses propres informations sur l’Espagne.
— Personne n’a dit toute la vérité à Votre Majesté, murmure-t-il.
Il baisse la tête comme s’il n’osait pas avouer ce qu’il pense, ce qu’il pressent.
— Le fait est qu’il n’y a pas un Espagnol qui se montre pour moi, excepté le petit nombre de personnes qui ont assisté à la junte, conclut-il.
Est-ce là un propos de souverain ? Joseph croit-il qu’on est roi sans effort ? Croit-il qu’il ne faut pas combattre ?
— Vous ne devez pas trouver trop extraordinaire de conquérir votre royaume, dit Napoléon.
Il fixe Joseph dont le regard se détourne. Est-ce là le roi qu’il faut à l’Espagne ? Pourquoi dois-je tenir à bout de bras tous ceux que je charge d’une fonction, d’une tâche ?
Suis-je si seul ?
— Philippe V et Henri IV, reprend-il, ont été obligés de conquérir leur royaume.
Il faut rassurer Joseph.
— Soyez gai, ne vous laissez pas affecter et ne doutez pas un instant que les choses finiront mieux et plus promptement que vous ne pensez.
Mais Murat continue d’être alité et s’apprête à quitter Madrid sur une civière. Mais Saragosse résiste aux assauts, aux boulets, à la mitraille. Mais les Anglais débarquent au Portugal, interviennent en Espagne. Mais les armées espagnoles se reconstituent, marchant vers Madrid. Mais les jours passent et l’insurrection s’étend.
Dans le parc du château de Marracq, Napoléon organise des troupes. Il hésite. La tentation est grande de se mettre à la tête de ses escadrons de cavalerie, de marcher avec la Garde, de rentrer dans Madrid d’où Joseph, qui y est à peine arrivé, songe déjà à s’éloigner, affolé à l’idée d’être pris. Il appelle au secours. Il craint d’être tué, dit-il.
Cette peur qui suinte de ses lettres n’est pas d’un roi, n’est pas digne d’un homme qui est mon frère .
« Le style de votre lettre ne me plaît point, répond Napoléon. Il ne s’agit point de mourir mais de vivre et d’être victorieux ; et vous l’êtes et le serez.
« Je trouverai en Espagne les colonnes d’Hercule, et non les limites de mon pouvoir… Soyez tranquille sur l’issue de tout cela. »
Le maréchal Bessières ne vient-il pas de remporter une victoire à Medina de Río Seco ? Et les troupes du général Dupont ne sont-elles pas engagées à Baylen contre les Espagnols ? Elles sont en situation de vaincre ces rebelles.
Napoléon regarde défiler les troupes dans le parc du château de Marracq.
S’il bondissait en Espagne, il réglerait tout cela, il en est sûr. Mais il doit tenir compte de toutes les pièces de l’échiquier. Les rapports de police indiquent que l’on complote à Paris. Peu de chose, quelques républicains qui bavardent contre l’Empire, mais quelle confiance accorder à Fouché, ministre de la Police générale ?
Napoléon a le sentiment qu’il doit être partout. Il devrait être à Madrid, mais aussi à Paris. Et en Allemagne, puisque l’Autriche reconstitue ses armées. Dans quel but ?
Vienne s’apprête-t-elle à ouvrir la guerre, pensant que je suis enlisé en Espagne ? C’est dans la nature des choses !
« Puisque l’Autriche arme, dit-il à Berthier, il faut donc armer. Aussi j’ordonne que la Grande Armée soit renforcée… S’il est un moyen d’éviter la guerre, c’est de montrer à l’Autriche que nous ramassons le gant et que nous sommes prêts. »
La guerre
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