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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’en avait pas conscience. Mais en fait, elle
menait une politique personnelle. Elle avait de bons rapports avec Guise et
voulait les conserver quoi qu’il en coûtât à l’État. Et il est vrai que ses
initiatives contrariaient souvent les plans de son fils et brouillaient tout.
    — Mais, Monsieur de Siorac, comment traiter avec un
félon qui vous a pris votre capitale !
    — En fait, on céda tout, y compris la convocation des
états généraux à Blois.
    — C’était faiblesse !
    — De la part d’Henri, c’était faiblesse feinte et qui
visait à endormir la vigilance de Guise, car en réalité, à Blois, la position
d’Henri III était plus forte que celle du duc. Il avait les gardes françaises
de Larchant, les Corses d’Ornano, les Suisses et les fameux Quarante-Cinq. En
outre, il tenait le château. Guise avait pour lui assurément les états généraux
et la majorité des Français, mais il n’avait à Blois que les gentilshommes de
sa suite.
    — Et qu’attendait Guise des états ?
    — Que le roi qui était sans enfant proclamât la
déchéance des droits de votre père à sa succession pour la raison qu’il était
alors huguenot. La route du trône eût alors été libre pour Guise. Mais Henri
s’y refusa tout net et les états généraux, pour se revancher, le privèrent de
ressources. Le roi paraissait faible et hésitant, mais en réalité, il n’en
était rien.
    — Comment cela ?
    — Dès son arrivée à Blois, il avait renvoyé les
ministres qu’il tenait de sa mère et les avait remplacés par des hommes à sa
dévotion. Si j’avais été Guise, ce seul fait m’eût donné fort à penser.
    — Et Guise ne se méfia point ?
    — Non, Sire. Il méprisait le roi.
    — Et pourquoi cela ?
    — Il le considérait comme un personnage faible, falot et
sans consistance. Et c’est bien cette opinion qu’Henri, par son attitude,
travaillait à lui donner de lui-même.
    — Vous voulez dire, Monsieur de Siorac, dit Louis avec
vivacité, qu’Henri dissimulait ?
    — Il faisait mieux que dissimuler, Sire. Il jouait la
comédie et il la jouait bien.
    — Et cette comédie rassurait Guise ?
    — Oui, Sire. Il pensait que jamais Henri n’aurait assez
de pointe et de courage pour oser attenter à sa vie.
    — Comment le roi s’y prit-il pour mener à bien cet
attentement ?
    — Il convoqua ceux de ses conseillers en qui il avait
une confiance entière dans un pavillon au fond du parc du château et leur
apporta les preuves que Guise avait partie liée avec Philippe II
d’Espagne. Il ajouta ces paroles, lesquelles sont imprimées à jamais dans ma mémoire :
«  Le duc faisant état de s’emparer du royaume après en avoir abattu les
colonnes, je vous demande, Messieurs, vous qui êtes ces colonnes mêmes, le
parti que vous me conseillez de prendre. » Là-dessus, Montholon, garde
des sceaux, opina qu’il conviendrait d’arrêter le duc de Guise et de le
traduire en justice. À quoi Revol rétorqua avec la dernière vivacité :
« Ce sanglier-là est trop puissant pour nos filets ! Où
trouverez-vous l’endroit pour l’enfermer, les témoins pour l’accuser et les
juges pour le juger ? J’opine que, s’agissant d’un traître avéré, il faut
que la peine précède le jugement. »
    — Monsieur de Siorac, dit Louis, l’œil étincelant,
voulez-vous pas répéter cette phrase ?
    — Volontiers, Sire. «  S’agissant d’un traître
avéré, il faut que la peine précède le jugement. » À quoi Henri
demanda : « Quelle peine, Revol ? » et Revol dit sans
battre un cil : « La mort, Sire ! » Tous les présents, sauf
Montholon, se rangèrent à cet avis.
    — Quels étaient-ils ?
    — Bellegarde, le maréchal d’Aumont, François d’O,
d’Ornano, Rambouillet et moi. Toutefois, n’étant là qu’à titre de témoin à
charge, le roi ne me demanda pas d’opiner.
    Je fus béant. Mon père ne m’avait jamais dit qu’il avait
assisté en qualité de témoin à ce Conseil restreint. Pas plus qu’il ne m’avait
encore donné à lire le passage de ses Mémoires où il le relatait.
    — Poursuivez, Monsieur de Siorac, dit Louis.
    — Le roi entérina ce vote en disant : «  Le
traître poussant sa pointe toujours plus avant, j’en suis arrivé à la
conclusion que sa plus longue vie serait ma mort, celle de tous mes amis et la
ruine du royaume. Messieurs, le Conseil est terminé. » Vous
observerez, Sire, que le roi,

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