L'Enfant-Roi
ayant décidé l’exécution de Guise, ne voulut pas
débattre alors avec ses conseillers du lieu, du moment et des moyens.
— Pourquoi cela ?
— Montholon ayant opiné pour le procès, Henri se
méfiait maintenant de lui. Mais, quelques jours plus tard, il convoqua un
Conseil encore plus restreint que le premier, le mercredi vingt et un décembre
dans le cabinet vieil lequel, Sire, fait suite à la chambre que vous occupez ce
jour au château.
— Je sais, dit Louis.
— Ce Conseil se composait de Bellegarde, de Revol, de
Larchant, capitaine aux gardes, et de moi-même. Henri se montra plus que jamais
résolu en son dessein, le Guise, le matin même, ayant eu le front d’exiger de
lui la connétablie.
— Je sais aussi cela, dit Louis. Poursuivez, Monsieur
de Siorac.
— Il apparut que la principale difficulté était de
séparer Guise de la suite nombreuse dont il se faisait partout accompagner, car
un affrontement entre ses gentilshommes et les nôtres pouvait, se peut,
entraîner beaucoup de morts sauf celle, précisément, qui serait utile à l’État.
C’est pourquoi il fut décidé que l’attentement aurait lieu un jour de Conseil,
car les « suites » de Messieurs les conseillers étaient si nombreuses
ce jour-là qu’il avait été décidé qu’elles demeureraient dans la cour.
— Mais cela, dit Louis, n’aurait pas empêché celle de
Guise d’accourir au premier appel.
— On y pensa, Sire. Et pour cette raison Henri fixa
l’heure du Conseil à sept heures du matin, pensant que cela réduirait à fort
peu, et possiblement à rien, le nombre des guisards qui se voudraient, un
vingt-quatre décembre, désommeiller avant la pique du jour.
— Mais il fallait un prétexte, dit Louis, à une heure
aussi matinale.
— En effet, Sire. Henri annonça qu’il comptait partir
tôt ce matin-là pour sa maison de La Noue et qu’il désirait tenir le Conseil
avant son départ.
— Voilà qui va bien, dit Louis, mais il y a trois
escaliers par où Guise aurait pu s’enfuir : le viret devant la porte de ma
chambre, lequel conduit dans la chambre du rez-de-chaussée occupée ce jour
d’hui par la reine ma mère.
— Cette chambre, Sire, était alors occupée par la mère
d’Henri III, laquelle se trouvait fort malade et pour protéger sa
tranquillité on avait placé des gardes dans ce viret avec ordre de défendre à
quiconque le passage.
— Il y a aussi, dit Louis en s’animant, un viret qui,
du cabinet vieil, descend au rez-de-chaussée.
— Ce viret, Sire, et le cabinet vieil, étaient occupés
par les Quarante-Cinq.
— Reste le grand escalier ajouré de la façade,
dit Louis.
— En effet, Sire, et on ne pouvait y mettre les Quarante-Cinq, parce que le Guise savait qu’ils le détestaient.
— Et pourquoi ?
— Parce que Guise avait fait demander par les états
généraux qu’ils fussent cassés et renvoyés à leur gueuserie gasconne. Mais le
capitaine Larchant nous tira d’affaire. Il proposa de faire occuper l’escalier
ajouré par ses gardes françaises sous le prétexte de réclamer au Conseil les
soldes que de trois mois ils n’avaient pas reçues.
— Il me semble, dit Louis, que dès l’arrivée de Guise,
on eût dû fermer, par surcroît de précaution, toutes les portes du château.
— On l’avait prévu, dit mon père, et cela fut fait.
Louis, les yeux baissés, demeura un long moment sans mot
piper, si bien que mon père ajouta :
— Sire, dois-je vous dire la suite ?
— Nenni, Monsieur de Siorac, je la connais. Ce que j’ai
peine, pourtant, à entendre c’est que Guise ne se soit point méfié.
— Et d’autant, Sire, que l’avant-veille Henri l’avait
fortement rabroué quand il avait osé, après messe, exiger la connétablie. Mais
la mère du roi (Louis eut, en oyant cette expression, une involontaire
crispation de la lèvre, comme s’il se fût agi de sa propre mère), ayant ouï
cette querelle, les convoqua à son lit de malade pour les raccommoder. Ils y
vinrent l’un et l’autre. Et Henri, qui avait eu le temps de se reprendre, joua
admirablement son rôle : il fut doux comme un agneau, multiplia les cajoleries
à l’égard de Guise et lui promit à mi-mot de lui donner sous peu une grande
charge dans l’État… C’était l’appât et Guise y mordit le lendemain.
— Monsieur de Siorac, je vous fais mille mercis, dit
Louis promptement. Plaise à vous de vous souvenir que vous ne m’avez
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