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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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lui
expliqua que cette salle, du temps des comtes de Blois, ne comprenait qu’un
seul splendide plafond en forme de nef de vaisseau inversée, lequel
Henri III, voulant agrandir la salle, avait doublé d’une deuxième nef
identique et parallèle à la première, et à elle reliée et soutenue par une
rangée de colonnes qui couraient en arcades par le milieu de la pièce. L’effet,
faisait remarquer Bellegarde, qui, s’il ne brillait pas par l’esprit, avait du
moins un sûr instinct de la beauté des choses, était des plus heureux : les
deux nefs inversées avaient l’air amarrées bord à bord, leurs quilles tournées
vers le ciel.
    En cette première entrevue, Louis accueillit fort
aimablement mon père, mais probablement parce que Bellegarde et une bonne
demi-douzaine de gentilshommes se trouvaient avec nous, il ne lui posa aucune
question. Cependant, en revenant dans sa chambre, qui était celle occupée par
Henri III en 1588, et celle aussi où le duc de Guise avait été assassiné,
il profita d’un moment où nous étions seuls pour me dire de l’attendre sur le
coup de neuf heures du matin le lendemain avec mon père dans la grande allée
qui mène du château de Blois à La Noue.
    La Noue est une gentilhommière à quelque distance du château
de Blois, à laquelle on accède par une grande allée carrossable bordée de
tilleuls qui répandaient en cette saison un parfum des plus pénétrants. Durant
les états généraux de 1588, qui lui étaient si hostiles, Henri III aimait
s’y retirer deux ou trois jours par semaine pour y trouver un semblant de paix.
Sur le commandement de la duchesse de Guise (et l’acquiescement de la régente)
j’y avais logé ma bonne marraine pour la raison qu’elle se refusait à mettre
« fût-ce le bout de son pied en cet infernal château de Blois où son mari
avait été assassiné ».
    J’inclinerais à penser que c’était le point d’honneur d’une
Guise par alliance plus que l’affection qui lui inspirait ce refus. Car dans ce
ménage des Guise, il y avait tromperie des deux bords, et nombreuses, et
publiques, et si peu de temps passé l’un avec l’autre que c’était merveille que
ma bonne marraine eût réussi à tirer tant d’enfants de son mari.
    Louis aimait fort chez Madame de Guise ce caractère franc et
primesautier qui le changeait des hypocrisies de la Cour. Et en outre, quoi de
plus naturel qu’il allât visiter à La Noue à neuf heures du matin la cousine
germaine du feu roi son père. Toutefois, il y alla seul et à pied, en
commandant, au départir du château, qu’on ne dît pas qu’il y eût été.
    Dès qu’il nous vit sur le chemin, Louis pressa le pas,
abrégea nos génuflexions, nous remercia en peu de mots d’être là et commanda à
Monsieur de La Surie de demeurer sur le chemin et de nous avertir s’il y
passait quelqu’un. Ayant dit, il nous entraîna hors la route dans l’épais d’un
bosquet et dit à mon père de but en blanc :
    — Monsieur de Siorac, Bellegarde me dit qu’en 1588,
vous fûtes à Blois très avant dans la confidence d’Henri III. Pouvez-vous
me dire comment le roi en est venu à faire exécuter le duc de Guise ?
    Cette question, qui me laissa béant, ne parut pas, en
revanche, surprendre mon père. On eût dit même qu’il l’attendait.
    — Sire, dit-il, Henri III n’avait pas le
choix : son trône, sa liberté et probablement sa vie, étaient menacés.
    — Sa liberté ? dit Louis en haussant le sourcil.
    — Le plan des Guise était de se saisir de sa personne
et de l’enfermer dans un couvent… Et à mon avis, on ne l’y aurait pas laissé
vieillir.
    — Et quand le roi a-t-il décidé d’exécuter Monsieur de
Guise ?
    — À mon sentiment, il a commencé d’y penser quand Guise
s’est saisi de Paris et l’en a chassé.
    — Ne pouvait-il lancer ses forces contre lui pour
reprendre sa capitale ? dit Louis avec un petit brillement de l’œil.
    — Non, Sire. Henri n’avait que quatre mille hommes et
son trésor était vide. En outre, Henri n’était pas comme feu votre père un
roi-soldat.
    — Et que fit-il ?
    — Il se retira à Chartres avec ses quatre mille hommes
et feignit d’écouter sa mère, et les ministres qu’il tenait d’elle (et qui la
servaient plus que lui-même), lesquels voulaient traiter avec Guise.
    — Sa mère voulait traiter ? dit Louis, une lueur
subite traversant ses grands yeux noirs. Le trahissait-elle ?
    — Elle

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