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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de Condé, celui-ci n’hésita pas à envoyer son
favori Rochefort à ses trousses. Marsillac fut rejoint, impiteusement bâtonné
et laissé sur le carreau.
    La reine en conçut une profonde irritation et, à l’issue du
Conseil, adressa en présence du roi les plus vifs reproches à Condé. Celui-ci
répliqua vertement et n’hésita pas à dire que, le roi étant majeur, il était à
son service et non pas à celui de sa mère. Louis fut outré d’une insolence qui
visait à enfoncer un coin entre la reine-mère et lui.
    — Monsieur, dit-il, vous avez à respecter la reine,
puisque je lui ai laissé la direction des affaires.
    Mais loin de lui savoir gré de ce loyalisme, Marie
s’offusqua de son intervention comme d’une atteinte à son pouvoir, et se
retournant contre son fils, elle lui dit avec sécheresse :
    — Taisez-vous donc !
    Louis blêmit et se tut, ne voulant pas donner à Condé le
plaisir d’une querelle familiale. Et Condé, profitant de l’algarade, prit brièvement
congé et, sans s’excuser le moindre, s’en alla. Dès qu’il se fut éloigné, Louis
dit à sa mère avec la dernière véhémence :
    — Ah, Madame, vous m’avez fait le plus grand tort de
m’avoir empêché de parler !
    Et il ajouta en regardant à son côté :
    — Si j’eusse eu mon épée, je la lui eusse passée à
travers le corps !
    Quand je répétai, le soir venu, à mon père cette phrase
surprenante, il hocha la tête d’un air pensif et demeura coi un moment.
    — À mon sentiment, dit-il enfin, cette grande colère ne
vise pas le seul Condé. Elle s’adresse aussi à sa mère, qui l’a humilié en le
faisant taire, alors même qu’il prenait son parti. Mais qui eût cru qu’il y eût
en Louis tant de violence ? Et un tel ressentiment ? Je gage que s’il
règne un jour, il ne sera pas aussi pardonnant qu’Henri IV.
    — Monsieur mon père, dis-je, la gorge serrée,
pensez-vous qu’il pourrait un jour ne pas régner ?
    — Nenni, dit mon père, je ne pense pas cela.
    Mais même dans cette dénégation il me sembla percevoir une inquiétude
qui n’osait dire son nom.
     
    *
    * *
     
    Madame de Lichtenberg était une femme si naturellement
affectionnée à ceux à qui elle avait donné sa confiance, si fidèle en amitié,
si fervente en amour, et nourrissant pour le genre humain, sans distinction de
rang, d’âge et de pays, des dispositions si bienveillantes qu’il lui était
quasiment impossible de saisir un caractère aussi ingrat que celui de la
reine-mère. Tant est qu’elle s’étonnait parfois de la sévérité des jugements
que dans le tiède et pénombreux huis-clos de son baldaquin, toutes courtines
tirées, je portais sur Marie de Médicis.
    — M’amie, lui dis-je un jour, comment une femme comme
vous pourrait-elle comprendre Marie ? C’est une créature si stérile qu’on
ne peut la décrire qu’avec des « sans ».
    — Comment cela ?
    — Elle est sans esprit, sans charme, sans bonté, sans
délicatesse, sans scrupule, sans amour pour les autres, et cela va sans dire,
sans le plus petit frisson de sensibilité.
    — N’a-t-elle donc à vos yeux aucune vertu ?
    — Si : la vertu.
    — Est-ce rien ?
    — Ce n’est rien, quand on aime aussi peu l’amour.
    Ma Gräfin rit à cela d’un rire gai comme une musique,
puis après un instant de réflexion, elle reprit :
    — Elle aime le pouvoir.
    — Mais elle ne l’aime pas, m’amie, pour gouverner la
France – pays à qui elle demeure tout à plein étrangère et dont elle se
soucie comme d’une guigne –, mais à seule fin de pouvoir puiser à pleines
mains dans les finances publiques et de les dépenser ensuite démesurément, à
gaver les Conchine de pécunes, à acheter pour elle-même des diamants d’un grand
prix, à donner des fêtes somptueuses, à doubler les pensions servies aux nobles
et à racheter la fidélité des Grands par des sommes énormes. Que reste-t-il des
deux millions cinq cent mille livres soustraits au Trésor de la Bastille,
prétendument pour faire la guerre aux Grands ? Rien ! Et j’ai ouï
dire que Marie avait demandé à la Cour des Comptes de lui laisser prélever
derechef un million deux cent mille livres sur le même trésor, afin de pourvoir
au voyage du roi et de Madame jusqu’à la frontière espagnole pour
échanger les princesses.
    — Vous dites bien : échanger ? dit la Gräfin en fronçant les sourcils. Le mot paraît étrange.
    — J’eusse

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