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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aider votre mémoire, Monsieur le Chevalier. Treize,
comme Louis.
    Tout cela fleurait bon le secret et le romanesque, et
j’étais assez jeune encore pour en être enchanté.
    — Commençons-nous ce soir, Monsieur Déagéant ?
    L’homme était fin, et sentant mon empressement, me voulut
faire toucher du doigt de plus dures réalités.
    — Il ne vous échappe pas, Monsieur le Chevalier, qu’en
vous engageant dans cette voie, vous mettez votre tête au hasard du billot.
    — Mais vous aussi, Monsieur Déagéant.
    — Pour moi, n’étant pas noble, ce serait plutôt la
hart, dit Déagéant avec un petit sourire.
    J’entendis, à observer ce petit sourire, qu’on peut être
vaillant sans bravata et sans même tirer l’épée, au rebours de ce que
croient nos gentilshommes.
    — Or sus, commençons ! dis-je en lui rendant son
sourire, et sentant s’établir entre lui et moi une complicité chaleureuse.
    — Avant hier, commença Déagéant, le prince de Condé
quit Barbin de le rejoindre à Saint-Martin. Et Barbin m’emmena avec lui pour la
raison qu’il entend toujours avoir un témoin quand il s’entretient avec Monsieur
le Prince.
    — Et pourquoi cela, Monsieur Déagéant ?
    — Pour corroborer au besoin les termes de cet
entretien, Monsieur le Prince étant si menteur.
    Déagéant dit cela tout uniment et comme si la chose allait
de soi.
    — Nous le trouvâmes, reprit-il, en proie à une extrême
perplexité et quasiment dans les larmes. Il accueillit Barbin comme un enfant
qui, perdu dans un bois, s’accroche au père grâce à qui il espère retrouver son
chemin. « Monsieur, lui dit-il, la voix tremblante, je suis arrivé à un point
tel qu’il ne me reste plus qu’à ôter le roi de son trône et à me mettre à sa
place ! »
    — Monsieur Déagéant, dis-je, voudriez-vous répéter
cette phrase étonnante ? Elle me laisse pantois. Je voudrais être assuré
de l’avoir bien ouïe.
    — « Je suis arrivé à un point tel qu’il ne me
reste plus qu’à ôter le roi de son trône et me mettre à sa place. »
    — Et il dit cela à Barbin, intendant, confident et
conseiller de la reine-mère ! Laquelle a tout intérêt à ce que le roi
demeure là où il est, puisqu’elle règne à sa place ! Est-ce pas
folie ? Outre qu’une telle déclaration est déjà en soi et de soi un crime
de lèse-majesté !
    — Toutefois, Monsieur le Chevalier, le prince de Condé,
dès qu’il l’eut prononcée, la corrigea quelque peu en disant : « Il me
semble, malgré tout, que ce serait aller trop loin. – Alors, dit Barbin
quand il fut revenu de sa stupeur, pourquoi le feriez-vous ? – Parce
que, dit Condé, les Grands m’en pressent outrageusement, me disant que si je ne
le fais point, ils m’abandonneront. Et s’ils m’abandonnent, Monsieur Barbin, la
reine-mère me méprisera. »
    — Ah, dis-je, combien propre à Condé me paraît cette
peur d’être méprisé ! Jusqu’à la fin de sa vie, il doutera être le fils de
son père.
    — C’est bien ce que sentit Barbin, car il répliqua
aussitôt avec le plus grand respect : « Monseigneur, votre naissance
vous met fort au-dessus du mépris, et la reine aura toujours à cœur d’augmenter
votre pouvoir plutôt que de le diminuer. » Ayant ainsi caressé Condé à bon
poil, Barbin reprit : « De reste, le parti du roi n’est point si
faible que vous imaginez. Le seul nom de roi est extrêmement puissant, et tous
ceux que vous pensez être du parti des Princes ne le sont que d’une fesse… Tant
est qu’une entreprise contre l’autorité royale ne serait à mon sentiment que
feu de paille. »
    — Voilà, dis-je, qui était fort adroit.
    — Mais Monsieur Barbin est un homme de beaucoup
d’esprit, dit vivement Déagéant. Le malheur, et c’est là où je le blâme, c’est
qu’il ait consenti par ambition à devenir la créature de Conchine. Quoi qu’il
en soit, ses paroles retournèrent tout à plein Condé, du moins pour le moment.
Et il déclara bien haut qu’il demeurerait dans l’obéissance à son souverain, si
seulement la reine-mère chassait le duc de Bouillon de la Cour, lequel
brouillait et tourmentait son esprit, exerçant sur lui une emprise à laquelle
il ne savait pas se soustraire.
    — Est-ce vrai ?
    — C’est vérissime ! Aucun mari n’a jamais eu sur
son épouse un ascendant tel et si grand. Ceci étant dit sans la moindre
équivoque, Condé étant ce qu’il est… Avec

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