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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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votre permission, Monsieur le
Chevalier, je poursuis. Barbin, sur une demi-promesse d’éloigner le duc de
Bouillon, quitte Monsieur le Prince qui s’en retourne en son logis où
l’attendait justement ledit Bouillon, qui le voyant peu décidé à s’en prendre
au roi, le pousse à rompre avec Conchine, espérant que par ce biais, Condé
serait amené à engager le fer avec la reine-mère et, par voie de conséquence,
avec le roi.
    — Et Condé ne lui résista pas ?
    — Pas plus qu’il n’avait résisté à Barbin. Et le voilà
qui envoie incontinent l’archevêque de Bourges dire à Conchine de sa part qu’il
n’est plus son ami.
    —  Mais c’est là une déclaration de guerre !
m’écriai-je, béant. Et bien folle ! Si Condé n’entend pas tuer Conchine,
pourquoi l’effrayer et s’en faire un mortel ennemi ? Et s’il entend se
défaire de lui, à quoi bon l’avertir ? Voit-on un chat prévenir une souris
qu’il va lui tomber sus ?
    — La raison même, Monsieur le Chevalier ! dit
Déagéant. Mais je poursuis. La coïncidence voulut que lorsque l’archevêque de
Bourges vint trouver Conchine chez lui, Barbin se trouvait là. Et s’il fut
béant de ce nouveau retournement de Monsieur le Prince, Conchine, qui brille
par la cruauté plus que par le courage, ne put cacher le désespoir et le désarroi
qui s’emparaient de lui. Éperdu, il emmena Barbin chez sa femme, laquelle, tout
aussi terrifiée que lui, voulait incontinent quitter Paris pour se réfugier à
Caen, ville qui est à eux, comme vous savez. Mais elle ne le put, étant trop
malade et se pâmant deux fois au moment d’entrer en litière. Conchine partit
seul dans la nuit et gagna Caen à brides avalées. Pour reprendre votre
métaphore, Monsieur le Chevalier, je dirai que la souris, prévenue qu’une
griffe la menaçait, s’est réfugiée dans son trou. Et un trou dont il sera très
difficile de la faire sortir : Conchine a des troupes et beaucoup,
beaucoup de pécunes pour en lever d’autres…
    Dès que Déagéant prit congé de moi, je couchai son récit par
écrit, et le lendemain matin, me présentant dans les appartements du roi, un
bouton de mon pourpoint hors de sa boutonnière, je priai Sa Majesté de confier
à Berlinghen pour qu’il me l’ouvrit la clef du cabinet des livres, ce qu’Elle
fit sans battre un cil. Toutefois, ayant observé que Monsieur de Blainville
humait l’air dans les alentours, je me gardai bien, une fois dans la place,
d’aller tout de gob dénicher les Essais de Montaigne. Mais prenant sur
un rayon voisin l’ Enchiridion militis christiani d’Érasme et m’asseyant,
je me plongeai dans cette lecture austère. Et je fis bien. Car je n’y étais pas
attelé depuis cinq minutes que la porte s’ouvrit, et Blainville, poussant en
avant son long nez, pénétra dans le cabinet des livres. Levant alors les yeux
de mon Érasme, je lui dis :
    — Avez-vous affaire à moi, Monsieur de
Blainville ?
    — Non, Monsieur le Chevalier, dit-il avec un grand
salut. Je passais là par hasard et voyant la porte ouverte (en fait, elle ne
l’était pas) je me suis permis d’entrer, n’ayant jamais mis le pied dans le
cabinet des livres de Sa Majesté.
    Tout en parlant, il s’avançait vers moi quasiment à chaque
mot, de façon, j’imagine, à jeter un regard sur le livre que j’avais en main.
    — Mais, dis-je, il n’était que de demander permission à
Sa Majesté de visiter le cabinet ! Elle ne vous l’aurait pas refusée.
    — Diantre, dit Blainville quand il fut à bonne portée
d’œil, mais c’est du latin que vous lisez !
    — Rien que l’ Enchiridion militis christiani, et
c’est heureux qu’Érasme l’ait écrit en latin, car je n’entends pas le
hollandais.
    — Ah, dit Blainville qui, ayant été élevé dans un
collège des jésuites, était loin d’être ignare, c’est donc ce fameux Manuel
du soldat chrétien.
    —  À mon sentiment, dis-je, il vaudrait peut-être
mieux traduire le titre par : le Manuel du soldat du Christ.
    —  Je ne vous croyais pas si dévot, dit
Blainville qui avait l’air de flairer éperdument une piste qu’il sentait se
brouiller.
    — Je ne saurais m’en vanter, Monsieur de Blainville,
dis-je en riant. Je cherche une citation, que mon père m’a faite hier, mais
sans la pouvoir compléter.
    — Quelle citation ? dit Blainville, son zèle le
poussant en son inquisition au-delà des bornes de la courtoisie.
    — Mais

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