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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mon acquiescement, et remonta l’arquebuse de Bellegarde sans
plus piper ; cela fait, il appela Descluseaux, s’essuya vivement les mains
avec un chiffon et, dès que l’huis fut ouvert, descendit l’escalier si vite que
j’eus peine à le suivre.
    Ce bref entretien au bec à bec fit sur moi une impression
profonde : dans un mois, Louis aurait quinze ans. Et autant d’aucuns de
ses amusements m’avaient semblé très au-dessous de son âge – mais n’y
avait-il pas là un élément de comédie pour endormir la méfiance de la
reine-mère ? – autant il m’avait paru ce jour d’hui expéditif et sûr
de lui. Pour moi, je me sentais ivre de joie d’avoir pour la première fois reçu
de lui une mission qui, tant modeste qu’elle fût, s’apparentait à celles que
son père avait autrefois confiées au mien.
    La façon dont j’allais moyenner une rencontre avec un homme
que je n’avais jamais vu me tint en cervelle tout le jour, et bien à tort, car
le soir même, en mon appartement du Louvre, comme après mon souper glouti d’un
coup de glotte (car je ne m’apparesse pas à table), je me préparais à m’aller
coucher, on toqua à mon huis. N’attendant personne à cette heure tardive,
j’armai mes pistolets, que je disposai à portée de main sur ma table – le
Louvre, le soir venu, n’étant guère plus sûr que Paris – tandis que La
Barge, de page devenant mon laquais, enfilait sa livrée et que Robin accourait,
une pertuisane à la main, et à tout hasard se postait à côté de l’huis.
    La Barge, sur un signe, ouvrit la porte par degrés et révéla
un quidam qui n’avait pas l’air bien redoutable, étant petit, sans épée, et par
sa noire et austère vêture, assez semblable à un clerc qui n’eût pas encore
reçu la tonsure.
    — Monsieur le Chevalier, dit-il avec un profond salut,
je suis Déagéant, et votre humble et respectueux serviteur.
    — Serviteur, monsieur Déagéant ! dis-je tandis que
La Barge refermait l’huis sur lui. Entrez, de grâce, et accommodez-vous de
cette chaire.
    Des yeux je fis signe à La Barge et à Robin de se retirer
l’un et l’autre dans le cabinet attenant à ma chambre, où je savais d’avance
qu’ils allaient occuper leurs loisirs à jeter les dés et à boire un flacon de
mon vin. Toutefois, je leur avais imposé de ne jouer pas plus d’un denier par
partie de dix points, ne voulant pas voir les gages de l’un passer en leur
entièreté dans les poches de l’autre. Le péril, de reste, n’était pas grand, du
fait que leur jeu n’avait rien de vif ni d’encharné, chacun, entre deux coups
de dés, faisant à son compère le récit embelli de ses amours.
    — Monsieur Déagéant, dis-je, je suis charmé de vous
voir. Mon père m’a dit ce qu’il en était de vos relations du temps du feu roi.
    — Et comment en va-t-il avec Monsieur le marquis ?
dit Déagéant avec un salut.
    — Sain et gaillard.
    Déagéant m’en fit compliment et tandis qu’il parlait, je ne
laissai pas de l’observer. Il avait les épaules larges, une tête carrée et
paysanne, des yeux noirs brillants, le cheveu ras, le sourcil épais, la moustache
taillée au ciseau, la barbe coupée court, un air à la fois assuré et modeste.
    — Monsieur le Chevalier, dit-il en posant ses deux
mains sur ses genoux, voulez-vous me permettre de vous dire comment nous allons
ménager les choses entre Louis, vous-même et moi ? Quand j’aurai quelque
incident de conséquence à vous conter, je vous le viendrai impartir à cette
heure tardive. Plaise à vous alors d’en faire par écrit, mais en déguisant
votre écriture, un résumé succinct et discret.
    — Jusqu’à quel point discret, Monsieur Déagéant ?
    — En ne nommant les gens que par la lettre terminale de
leur nom.
    — Terminale, et non point initiale ?
    — Pour la raison qu’on s’attend à ce qu’elle soit
initiale. Si vous écrivez B. pour Barbin, la chose est claire ; elle l’est
moins si vous écrivez N. pour Barbin, ou S. pour Louis et pour Condé, E. Une
fois votre récit rédigé, le lendemain, ayant demandé à Louis la permission
d’aller consulter un dictionnaire dans son cabinet des livres, comme il m’a dit
que vous faites parfois, plaise à vous de glisser votre résumé à la première
page du chapitre XIII des Essais de Montaigne. Louis, aussitôt
qu’il le pourra, l’ira lire et brûler.
    — Pourquoi le chapitre treize, Monsieur Déagéant ?
    — Pour

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