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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avec la même ardeur qu’à l’accoutumée, il fut
fort taciturne pendant les cinq jours qu’il passa dans le château de ses
enfances.
    À notre retour en Paris, je n’eus rien de plus pressé que de
courir rue des Bourbons où, encore qu’elle se jetât de prime dans mes bras,
Madame de Lichtenberg me fit quelque peu la mine, prétendant que j’aimais Louis
plus qu’elle-même.
    — Ah, m’amie, dis-je, ce n’est pas la même amour !
Bien que je n’aie pas l’âge d’être son père, ayant à peine dix ans de plus que
lui, je l’ai connu enfantelet et je garde pour sa personne les sentiments d’un
aîné en même temps que j’éprouve pour lui ceux d’un sujet pour son roi.
    — Cela fait beaucoup, toutefois ! dit ma Gräfin, mais sans vouloir pousser trop loin le reproche, ayant mieux à faire de
notre après-dînée que me chercher querelle.
    Cependant, elle en reprit quelque peu le thème, une fois que
nos tumultes furent apaisés, se plaignant de mon silence et de ce que mes
pensées ne fussent pas à elle autant que mon corps l’avait été.
    — Ah, mon ange, dis-je, c’est que les choses en sont
venues à une extrémité qui me fait un souci à mes ongles ronger ! Tous les
succès de nos armes contre les Grands ne font qu’augmenter le pouvoir de
Conchine et son arrogance est devenue telle et si grande qu’il ne craint pas de
morguer le roi.
    Ne voulant pas alors entrer dans trop d’humiliants détails,
je me contentai de lui conter l’affaire de l’escorte que, de reste, je ne
doutais pas qu’elle n’apprît un jour soit par Bassompierre, soit par
l’ambassadeur de Venise. Ma Gräfin parut fort étonnée, et de la damnable
insolence de Conchine, et de la sottise de Monsieur d’Hocquincourt, et de la
colère du roi.
    — Dieu bon ! dit-elle. En est-on arrivé là ?
Une compagnie de Conchine taillée en pièces devant le Louvre par une compagnie
du roi ! La menace était-elle sérieuse, mon Pierre ?
    — Elle l’était, assurément, dans le chaud du moment.
    — Et Vitry eût-il osé la mettre à exécution, si on le
lui avait commandé ?
    — Assurément. Vitry eût tout osé, sur un signe du roi…
Il y a en ce royaume, m’amie, des seigneurs qui, pour ainsi parler, sont
héréditairement rebelles et traîtreux au souverain, comme les Condé et les
Mayenne. Mais Dieu merci, il en est de moins haute lignée qui, de père en fils,
sont farouchement fidèles à leur roi, comme les Thémines, les Vitry…
    — Et les Siorac, dit ma Gräfin avec une tendre
malice en me caressant la joue.
    — Et les Siorac ! dis-je en attrapant sa main au
vol pour baiser les veines bleues de son poignet.
    — Mon Pierre, reprit-elle, vous qui me décrivez le roi
comme étant si maître de soi, comment toutefois expliquez-vous qu’il se soit
laissé aller dans cette affaire à une telle violence ?
    — C’est qu’il ne s’agissait pas seulement d’une très
odieuse braverie, mais bel et bien de sa sécurité. Une compagnie à la solde de
Conchine et commandée par une de ses créatures aurait pu tout aussi bien
prendre occasion d’une escorte à Saint-Germain pour l’enlever.
    Louis allait-il se mettre dans les mains de son pire ennemi,
lui à qui on venait de rogner sa garde personnelle ?
     
    *
    * *
     
    Que Louis, malgré les efforts qu’il faisait pour dissimuler les
sentiments qui l’animaient contre la tyrannie de Conchine et l’autorité de sa
mère, ne les maîtrisât pas tout à fait, c’est ce qui m’apparut au début mars. À
cette date, la Cour apprit que le comte d’Auvergne avait réussi à enfermer le
duc du Maine dans Soissons, le comte se faisant fort de prendre la ville en
moins d’un mois. Sur ses assurances, le Conseil du roi décida, pour les raisons
qu’on devine, de donner à ce succès le plus de pompe possible en envoyant le
roi prendre à Soissons la tête de ses armées, afin qu’il fût su, urbi et
orbi, que la guerre qu’on faisait aux Grands n’était pas faite par les
ministres et pour le favori, mais par le roi lui-même et pour asseoir sa propre
autorité.
    La démarche, inspirée sans nul doute par Barbin et
Richelieu, était fort habile, mais elle n’eut pas de suite, pour la raison que
le roi, oyant qu’on l’allait envoyer à Soissons, ne put cacher l’enivrante joie
qui s’empara de lui, le privant quasiment de sommeil et le jetant dans une
folle impatience. Comme la surveillance et l’espionnage s’étaient

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