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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cria : « Sire ! Sire ! On a manqué
le maréchal d’Ancre et le voilà qui accourt avec les siens par le grand
escalier ! » Après quoi il disparut, comme si l’enfer l’eût englouti.
    Louis, qui s’était rassis depuis quelques minutes sur son
escabelle, se leva d’un bond, les yeux étincelants.
    — Çà, Descluseaux ! dit-il, allume la mèche de ma
grosse Vitry !
    Ayant dit, il dégaina, passa la dragonne de son épée à son
poignet pour être libre de prendre le mousquet en main au cas où il aurait à
tirer, et Descluseaux marchant à son côté portant l’arme, Luynes et moi-même
dégainant, il s’écria :
    — Or sus ! Je vais leur passer sur le
ventre !
    À pas rapides, il traversa l’antichambre, mais derrière la
porte qu’il franchit, il se trouva nez à nez avec Monsieur d’Ornano, colonel
des Corses, qui lui cria :
    — Sire ! Où allez-vous ? C’est fait ! Le
maréchal d’Ancre est mort !
    — Mais est-il bien constant qu’il soit mort ? dit
le roi, qui avait encore dans l’oreille la fausse nouvelle de l’inconnu.
    — C’est vrai, Sire ! cria un gentilhomme qui
accourait hors d’haleine vers lui. C’est tout à plein vrai ! Je l’ai vu de
mes yeux !
    Ce gentilhomme, je l’appris plus tard, était Monsieur de
Cauvigny, celui-là même qui avait rédigé la supplique que lisait Conchine quand
la pistolétade des conjurés l’avait foudroyé. Jour du ciel ! Le guillaume n’avait
pas perdu une minute pour changer de camp et courir courtiser le roi ! Et
qui sait ? pour lui présenter un jour proche cette même supplique que la
mort du favori laissait sans réponse !
    Monsieur de Cauvigny ne fut pas le seul à agir ainsi et à se
retourner comme une carpe. La conversion des conchinistes fut si prompte et si
générale qu’elle en devint presque édifiante. Quand Louis, gagnant la salle de
garde, ouvrit une des fenêtres qui donnaient sur la cour du Louvre et se
montra, il fut accueilli par une acclamation telle et si grande qu’on eût cru
que cette foule tout entière, et non pas une petite vingtaine de fidèles, avait
exécuté le favori. Cinq balles de pistolet tirées à bout portant avaient fait
de la centaine de gentilshommes qui suivaient partout Conchine et lui léchaient
les mains, des royalistes aussi convaincus que la poignée d’hommes qui
l’avaient abattu.
    Quant à Louis, il était ivre de bonheur. Rougissant,
haletant, il fut un moment avant de pouvoir piper mot. Il y avait sept ans que
son père était mort : sept ans d’oppression, d’offenses et d’humiliations
sous la férule d’une mère insensible. Et quand enfin il retrouva la parole
devant cette foule qui l’acclamait, il cria d’une voix si étouffée par
l’émotion qu’à peu qu’on ne l’ouït pas :
    — Merci ! Merci ! Grand merci à vous ! À
cette heure, je suis roi !
     
    *
    * *
     
    N’est-il pas extravagant que lorsqu’un grand événement se
produit, qui agite les passions à l’extrême, la fausse nouvelle précède souvent
la bonne, comme si la profonde peur qu’on a d’une future infortune possédait le
pouvoir d’en créer le fantôme ? Cela fut vrai au Louvre, où le quidam que
j’ai dit vint annoncer au roi qu’on avait manqué le maréchal d’Ancre. Et cela
fut vrai aussi dans la capitale où dans l’heure qui suivit la pistolétade du pont
donnant, le bruit courut parmi les Parisiens que le roi, leur petit roi
tant chéri, après avoir été si resserré dans son Louvre par sa mère et
l’abjecte Conchine, était tombé, comme son père, sous le coup des méchants.
    L’émeuvement fut prodigieux. Les boutiquiers, prévoyant que
les orages de l’émeute n’allaient pas faillir d’éclater, fermèrent leurs
boutiques et les remparèrent, comme de nuit, par d’épais contrevents aspés de
fer. Faute de chalands et de marchands, on dut clore le Marché Neuf. Car il n’y
eut homme ni femme qui ne se désemployât de soi à cette affreuse nouvelle,
quittant son étal, son échoppe, son four ou son aiguille, pour se ruer dans les
rues, lesquelles se mirent tout soudain à grouiller d’une innombrable multitude.
    Chez les bonnes garces de Paris, ce n’étaient que pleurs,
gémissements et cris de rage, lesquels vouaient Conchine aux gémonies et
mêlaient à de terribles menaces des paroles sales, ordes [96] et
fâcheuses à l’adresse de la reine-mère. Les hommes grondaient comme dogues à
l’attache, et les têtes chaudes

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