L'énigme de l'exode

chacun des sept groupes de lettres sur des feuilles séparées et colla celles-ci sur le pare-brise en reproduisant l’agencement de l’étoile à sept branches. L’heptagramme était le symbole favori des alchimistes, qui pensaient qu’il fallait franchir sept étapes pour convertir le plomb en or. Knox tenta de se remémorer tout ce que cette étoile avait pu évoquer au fil de l’Histoire. Elle avait servi de talisman contre le mauvais œil. Elle avait symbolisé Dieu, la divine forme. La divine forme... Cela rappela à Knox sa conversation avec Augustin sur les hermaphrodites. Si tout était issu d’un seul dieu, ce dieu devait être à la fois mâle et femelle. Atoum, qui s’était masturbé dans son poing, les androgynes de Platon, Adam Kadmon... Knox rassembla ses esprits. Cette réflexion ne le menait à rien.
    Il se mit à intervertir les groupes de lettres sur le pare-brise, à chercher des anagrammes. Mais il entendit un moteur à proximité et se hâta d’éteindre le plafonnier du Toyota. Un camion approcha, puis tourna d’un côté et de l’autre, ses phares balayant les cannes à sucre, tels deux projecteurs. Les faisceaux lumineux éclairèrent le pare-brise et s’arrêtèrent un instant sur les deux phonèmes Θε et ΔI, avant de poursuivre leur courbe. Si Knox n’avait pas eu la divine forme à l’esprit, il n’aurait jamais fait le rapprochement, mais la translittération de ΘεΔI était thedi . Or, theoeides , en grec, signifiait « divine forme ». Cela faisait un indice de plus en faveur du même concept. Pouvait-il vraiment s’agir d’une coïncidence ?
    Les phares disparurent et le camion passa son chemin. Knox attendit une vingtaine de secondes et, impatient, ralluma le plafonnier. Il perdit espoir lorsqu’il constata que les phonèmes Θε et ΔI n’étaient pas adjacents. Puis il remarqua qu’ils étaient reliés par la ligne continue traçant l’étoile à sept branches. Il décida alors de noter le phonème que le personnage central montrait du doigt et d’ajouter les autres en suivant le tracé de l’étoile.
    KεN XAΓ HN Θε ΔI TP ΣK.
    Knox se concentra longuement sur les lettres et, soudain, la solution lui sauta aux yeux. Mais il n’eut pas le temps de s’en réjouir. Au même moment, les phares du camion s’allumèrent juste en face de lui et l’aveuglèrent à travers le pare-brise.

Chapitre 47

    I
    Knox alluma les phares du Toyota et surgit du champ de canne à sucre, pied au plancher, sous le regard stupéfait des policiers qui occupaient le camion. Le conducteur tourna brusquement le volant, et le passager appela aussitôt du renfort. Knox longea le champ à toute allure jusqu’à ce qu’il repère une piste, dans laquelle il s’engouffra, tandis que les flancs du 4x4 étaient battus par les hautes tiges.
    Droit devant lui, il aperçut les feux de véhicules qui circulaient. Il y avait une route, juste en face. Il fonça à une telle vitesse qu’il alla trop loin, déboula dans un champ labouré, et braqua à fond pour regagner la route. En prenant un virage serré, il vit que deux voitures de police faisaient barrage, quelques centaines de mètres plus loin. Il pila aussitôt et les pneus couverts de boue glissèrent sur le sol gorgé d’eau. Il passa la marche arrière, mais une autre voiture le rejoignait. Alors, il quitta la route, descendit un petit talus et s’élança dans un véritable bourbier. Il passa en traction intégrale, laissant la voiture de police s’embourber derrière lui. Puis il atteignit une voie de chemin de fer abandonnée, tourna à gauche, cahota sur les traverses et regarda dans son rétroviseur en espérant avoir semé ses poursuivants. Mais il aperçut aussitôt une paire de phares secoués par la voie ferrée, puis une deuxième. Il regarda à gauche et à droite, mais la voie de chemin de fer était bordée de fossés remplis d’eau, dont même le Toyota n’aurait pu ressortir.
    En face de lui apparut soudain, grinçant et brinquebalant, un train de marchandises. La locomotive tractait des dizaines de wagons. Knox tenta d’arriver à l’embranchement le premier, mais en vain. Il n’avait aucun moyen d’éviter la collision. Sirènes hurlantes et gyrophares allumés, les voitures de police étaient en train de le rattraper. Il n’avait plus qu’une seule solution. Il fourra dans ses poches le téléphone, le portefeuille, les ciseaux, le crayon et tout ce qui pourrait lui être utile, sauta du 4x4,