L'énigme de l'exode
aurait largement suffi pour un canular. Le rouleau se compose de trois feuilles rivetées ensemble. Et puis le texte est écrit d’une manière inhabituelle. Les lettres n’ont pas été gravées à l’aide d’un poinçon affûté. Elles ont été estampées en relief à partir du verso. C’est un travail extrêmement minutieux. Celui qui a fait cela ne se serait pas donné tout ce mal, s’il n’avait pas été convaincu de réaliser un artefact authentique.
— Convaincu ?
Stafford gratifia Gaëlle d’un petit sourire, tel un professeur envers un élève brillant.
— Le texte semble être une copie d’un document plus ancien, sans doute effectuée par une personne qui n’en connaissait pas la langue. Il est donc possible, je suppose, qu’une personne mal intentionnée ait rédigé un canular sur un parchemin ou un papyrus, et que les Esséniens aient pris ce canular pour un document authentique. Lorsque celui-ci aurait commencé à se décomposer, ils en auraient fait une copie sur cuivre pour le conserver. Mais c’est un peu tiré par les cheveux, vous ne trouvez pas ?
Une charrette tirée par un âne, chargée de grandes tiges de canne à sucre qui rebondissaient et bruissaient comme la jupe d’une danseuse hawaïenne, occupait toute la largeur du chemin étroit et obligea Gaëlle à rouler au pas. Il faisait encore nuit mais, à l’est, l’horizon commençait à frémir sous les premières lueurs de l’aube. Stafford se pencha et klaxonna à plusieurs reprises, jusqu’à ce que Gaëlle lui repousse la main.
— Il n’a pas la place de se ranger, dit-elle.
Stafford se renfrogna, croisa bras et jambes.
— Vous n’avez pas l’air de comprendre que je dois absolument filmer le lever du soleil, maugréa-t-il.
— Nous y serons à temps.
— Si Akhénaton a choisi d’établir sa capitale à Amarna, c’est parce que, là-bas, le soleil se lève entre deux falaises, ce qui rappelle le symbole d’Aton. Je veux commencer mon documentaire sur cette image. Si je ne l’ai pas...
— Vous l’aurez, lui assura Gaëlle.
La charrette finit par trouver un endroit où se ranger. En la doublant, Gaëlle remercia le conducteur d’un geste de la main. Avec l’accélération, le livre de Stafford glissa du tableau de bord. Stafford l’attrapa, le feuilleta avec fierté et admira une photo de lui devant le mur des Lamentations.
— Comment pouvez-vous être aussi sûr que les trésors du rouleau de cuivre provenaient du temple de Salomon ? lui demanda Gaëlle.
— Je croyais que vous aviez lu mon livre, répondit Stafford.
— Je n’ai pas eu le temps de le finir.
— Le rouleau est en hébreu. Et il appartenait aux Esséniens. Le trésor était donc incontestablement juif. De plus, les quantités sont renversantes : plus de quarante tonnes d’or. Au cours actuel, cela représente des milliards de dollars. Seul un roi immensément riche ou une institution très puissante a pu être en possession d’un tel trésor. Par ailleurs, il est question de la dîme. Or, la dîme n’était perçue que par le clergé. Le rouleau mentionne également des artefacts religieux, comme des calices et des candélabres. Il s’agissait donc d’une institution religieuse. Par conséquent, le trésor ne pouvait être que dans le premier Temple, le temple de Salomon, détruit par les Babyloniens en 586 avant Jésus-Christ, ou dans le second Temple, bâti sur les ruines du premier et détruit par les Romains en 70 après Jésus-Christ. La plupart des experts penchent pour le second, mais mon livre prouve que c’est impossible.
— Prouve, vous dites ?
— Tout est affaire de dates. Le rouleau de cuivre a été trouvé à Qumrân. Or, Qumrân a été prise et occupée par les Romains dès 68 après Jésus-Christ, soit deux ans avant la chute de Jérusalem. Les partisans de la théorie du second Temple voudraient nous faire croire que les Juifs ont sorti le trésor hors de leur territoire pour l’enterrer en territoire occupé, et que c’est juste sous le nez d’une garnison romaine qu’ils ont ensuite caché la carte permettant de le retrouver. Il aurait fallu être fou pour faire ça ! Mais surtout, le rouleau de cuivre a été trouvé au-dessous d’autres rouleaux, qui avaient eux-mêmes été déposés à Qumrân au moins vingt ans avant l’invasion romaine. Et comme je vous l’ai dit, il s’agissait d’une copie d’un document plus ancien. L’écriture reprenait une version très étrange de
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