L'énigme de l'exode
l’heure du déjeuner. Elle avait approché sa chaise de la sienne. Lorsque leurs genoux s’étaient effleurés sous le bureau, la main de Griffin, comme animée d’une vie propre, s’était posée sur sa cuisse tiède, ses doigts cherchant à se glisser entre ses jambes.
Les cris outrés de la jeune femme résonnaient encore aux oreilles de Griffin. Il rougissait à chaque fois qu’il y repensait.
Bien sûr, personne ne l’avait soutenu. Sa supérieure en avait profité pour se débarrasser de lui. Elle ne l’avait jamais aimé, de toute façon. Et elle avait dû faire passer le mot, la garce, car plus personne n’avait pris la peine de répondre à ses lettres de candidature. Personne, sauf Peterson. Qu’aurait-il pu faire d’autre ? Il n’allait pas se laisser mourir de faim !
Un son étrange lui parvint, couvrant le bruit du moteur. Il leva le pied et regarda par-dessus son épaule. À l’arrière, les étudiants chantaient, leurs visages éclairés par la lune, et illuminés par la piété, les mains levées vers le ciel. En pleine extase, ils priaient ensemble. Griffin se sentit encore plus déprimé. Peut-être la religion avait-elle un sens, malgré tout. S’il avait la foi, peut-être les jeunes femmes ne pousseraient-elles pas des cris d’orfraie lorsqu’il posait la main sur elles.
Peut-être.
III
Knox se réveilla brusquement, avec une angoisse trouble dont il ignorait la cause. Il faisait nuit dans la pièce. Soudain, des phares qui passaient tracèrent des bandes jaunes sur le plafond. Cela le rendit encore plus nerveux, car il ne reconnaissait absolument pas le lieu où il se trouvait. Il essaya de lever la tête, mais il n’avait aucune force dans la nuque. Alors il tenta de se redresser, mais ses bras étaient inertes, comme atrophiés. Il ne lui restait que ses yeux. Il regarda à gauche, à droite, en haut, en bas et constata qu’un cathéter était fixé à son avant-bras. Son regard suivit le tube transparent jusqu’au goutte-à-goutte. Il était à l’hôpital. Au moins, cela expliquait pourquoi il se sentait aussi mal. Mais il n’avait aucun souvenir de la raison pour laquelle il se trouvait là.
Une autre voiture passa. Les phares éclairèrent la silhouette d’un homme qui se tenait à côté de son lit, et qui le regardait. D’un geste soudain, celui-ci saisit l’oreiller qui se trouvait sous la tête de Knox et s’apprêta à l’appuyer sur son visage. Mais des bruits de pas résonnèrent contre un sol carrelé et l’homme disparut dans l’ombre. Knox essaya d’appeler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Les bruits de pas s’éloignèrent, franchirent une porte battante et ne laissèrent derrière eux que le silence.
L’homme sortit de l’ombre, tenant toujours l’oreiller. Il l’appuya sur le visage de Knox et pesa de toutes son poids. Jusqu’à cet instant, Knox avait vécu toute la scène comme une sorte de cauchemar, comme s’il avait été en proie à une hallucination. Mais lorsque sa respiration fut brusquement coupée, son cœur réagit, stimulé par l’adrénaline, et il retrouva un peu de force. Il se cramponna aux mains de l’homme, donna des coups de pieds, des coups de genoux, tenta de tourner la tête sur le côté pour trouver de l’air. Mais il ne faisait pas le poids. Ses muscles s’épuisaient rapidement. Son esprit privé d’oxygène lâchait prise. Son organisme capitulait. Dans un ultime effort, il tendit le bras pour griffer son agresseur au visage. Il tira si fort sur la perfusion que le goutte-à-goutte bascula et tomba avec fracas. L’homme retira immédiatement l’oreiller de son visage et le jeta par terre. Knox, haletant, aspira de grandes bouffées d’air et savoura l’oxygène qui se répandait de nouveau librement dans son organisme.
La porte s’ouvrit et un policier se précipita dans la chambre. Il alluma la lumière et, lorsqu’il vit le goutte-à-goutte à terre et Knox hors d’haleine, il retourna dans le couloir. Visiblement affolé, il appela un médecin. Knox resta seul, terrifié à l’idée que son agresseur l’achève. Mais un infirmier apparut dans l’encadrement de la porte. Le menton et les joues recouverts d’une barbe de deux jours, les yeux embués de fatigue, il ramassa le goutte-à-goutte et remit le cathéter en place.
— Pourquoi me faites-vous ça ? murmura-t-il. Moi qui ai tant besoin de dormir.
Knox voulut lui parler, mais sa bouche ne produisit aucun son. Il ne put
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