L'énigme de l'exode

prendre conscience de la vanité de sa vie. Et puis, il ne lui était plus aussi facile de ramener des filles chez lui. Il avait perdu sa fougue, et peut-être sa soif de conquêtes. Il aspirait à autre chose, mais il ne savait pas à quoi. Il savait juste que c’était de plus en plus présent et qu’aucune fille de passage ne pourrait assouvir ce besoin-là. Un matin, quelques mois auparavant, il s’était réveillé avec l’envie impérieuse de tout changer. Il avait sauté du lit et déchiré une grande bande de papier peint. Puis il avait contacté divers artisans et vidé son appartement avant de le redécorer entièrement.
    L’instinct de nidification ! Bon Dieu ! Comment en était-il arrivé là ?
    Pourtant, ce n’était pas de l’amour. Et c’était précisément ce que Knox ne pouvait comprendre. Il adorait Gaëlle, bien sûr, mais il ne la convoitait pas et ne cherchait pas à la conquérir. En réalité, ce n’était pas Gaëlle qui l’attirait. C’était ce qui s’était passé entre elle et Knox, sans même qu’ils s’en soient rendus compte.
    L’un des dangers d’être archéologue, c’était de trouver dans l’existence des autres des raisons de rougir de la vôtre. Les anciens Alexandrins avaient eu une espérance de vie d’environ trente-cinq ans. Augustin avait déjà passé plus de temps sur terre que la plupart d’entre d’eux. Pourtant, ils avaient accompli tant de choses, et lui si peu.
    Sa vie était minable. Il s’était mis à acheter par six les bouteilles de whisky.
    Il s’allongea sur le lit, les mains croisées derrière la tête, et fixa le plafond fraîchement repeint en se disant que la nuit allait être longue.

    II
    — Je ne peux pas faire ça, murmura Faisal en faisant un pas en arrière. Je ne peux pas. Je ne veux pas.
    — D’accord, maugréa Abdallah. Alors c’est moi qui vais le faire. Mais tu n’as pas intérêt à me montrer du doigt si les choses tournent mal.
    — Non, nous n’allons pas faire ça, ni l’un, ni l’autre. C’est mal.
    — C’est mal ? C’est ça que tu vas dire au capitaine ?
    Faisal hésita, car Abdallah avait raison. Il avait été battu une seule fois par Khaled, mais cela lui avait valu une semaine à l’hôpital. Il n’avait pas envie de recevoir une nouvelle correction.
    — Quels sont ses ordres, exactement ? demanda-t-il.
    — Il m’a dit de les réduire au silence, répondit Abdallah.
    — De les réduire au silence ! ricana Faisal. Et à ton avis, pourquoi a-t-il utilisé ces termes ? Pour pouvoir nous accuser d’avoir mal interprété ses ordres, au cas où on se ferait arrêter. Nous, on se fera arrêter et, lui, il s’en tirera avec une tape sur la main.
    — Tu penses qu’il ferait ça ?
    — Tu parles ! Tu crois vraiment que tout ce que nous avons trouvé ici ne valait rien, comme il nous l’a dit ? Il a tout gardé pour lui, c’est tout. Il n’y en a toujours que pour lui !
    Abdallah baissa la tête. C’était un soupçon qu’ils partageaient tous.
    — Alors qu’est-ce que tu proposes ?
    — On va faire exactement ce qu’il nous a dit : les réduire au silence.
    — Je ne comprends pas.
    — On va mettre les deux planches près des bords du puits et étendre par-dessus les draps et les couvertures, qu’on bloquera avec des pierres. Cela étouffera les bruits. On n’entendra plus rien, surtout quand on aura fermé l’entrée de la tombe.
    — Mais s’il découvre que...
    — Comment veux-tu qu’il l’apprenne ? En ce qui me concerne, je n’ai pas l’intention de le lui dire.
    — Mais même...
    — Tu préfères les tuer, c’est ça ?
    Abdallah pesa le pour et le contre, et finit par céder.
    — D’accord, dit-il. Allons-y !

    III
    Knox essaya de s’endormir, mais il avait mal de la tête aux pieds. Il était à bout de forces. Sa cellule était froide, sa paillasse était dure et ses compagnons de cellule ronflaient comme des sonneurs. De l’autre côté de la porte, la télévision braillait toujours. Cela ne semblait absolument pas déranger les Égyptiens, qui avaient une capacité stupéfiante à faire abstraction du bruit. C’était là un des détails de la vie quotidienne auxquels Knox n’avait jamais vraiment pu s’habituer.
    Au petit matin, Knox finit par sombrer, non pas dans le sommeil, mais dans une torpeur qui en était proche. Il somnolait ainsi depuis un temps indéfini lorsqu’il entendit une voix qu’il connaissait bien. La voix de Gaëlle. Au début, il crut