L'énigme de l'exode
qu’il était en train de rêver, et se mit à sourire. Puis, il perçut une certaine tension, reconnut quelques mots et comprit qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Sautant sur ses deux pieds, il se précipita à la porte de sa cellule. À travers la lucarne, il discerna sur l’écran de télévision les images cauchemardesques du terrorisme moderne : Gaëlle et deux autres personnes étaient assises devant deux paramilitaires masqués qui portaient leur arme en bandoulière.
— Gaëlle ! murmura Knox, incrédule.
Il frappa du poing contre la porte.
— Gaëlle ! cria-t-il.
— La ferme, grommela un de ses compagnons de cellule.
— Gaëlle ! Gaëlle !
— J’ai dit : la ferme !
— Gaëlle !
Une porte claqua, des bruits de pas se rapprochèrent. Un policier aux yeux troubles regarda par la lucarne et donna un coup de pied dans la porte de la cellule. Knox le remarqua à peine et continua à fixer l’écran de télévision par-dessus son épaule. C’était bien Gaëlle. Il l’appela de nouveau, abasourdi et submergé par l’horreur de l’impuissance. Le policier ouvrit la porte et lui montra sa matraque en signe d’avertissement. Mais Knox le bouscula et se précipita dans la salle de télévision, les yeux rivés sur l’écran.
Le policier l’attrapa par l’épaule.
— Retourne dans ta cellule, lui ordonna-t-il, ou je...
— C’est une amie, rugit Knox, laissez-moi regarder.
Le policier recula d’un pas ; Knox se concentra de nouveau sur l’écran. C’était la fin de l’enregistrement. Un homme et une femme, vêtus avec sobriété, apparurent sur un plateau de télévision. Personne n’avait jamais entendu parler de la confrérie islamique d’Assiout, mais les autorités promettaient une sortie de crise sans violence. La vidéo de la prise d’otages fut rediffusée dans un coin de l’écran. Médusé, Knox vit Gaëlle changer de position et lever la main droite. Il eut la chair de poule, sans trop savoir pourquoi.
Une porte claqua de nouveau. Il se retourna. Deux autres policiers s’approchaient, la mine ferme et déterminée.
— C’est une amie, expliqua Knox en pointant le doigt vers l’écran. Elle a été prise en otage. Je vous en prie, laissez-moi...
Le premier coup lui paralysa la cuisse. Il ne l’avait pas vu venir. La douleur lui remonta jusque dans la hanche. Il se baissa, sur une seule jambe, et le second coup ricocha sur son omoplate pour l’atteindre derrière la nuque. Il s’effondra la tête la première, pris dans une nuée d’étoiles. Brusquement, il se revit au volant de sa jeep. Omar était à côté de lui et ils riaient. Il sentit l’odeur du gazole. Puis on l’attrapa par les cheveux pour lui murmurer quelque chose à l’oreille, mais il avait la tête remplie de bourdonnements et ne comprit pas un mot. On lui lâcha la tête, sa joue vint cogner contre la pierre froide, et on le traîna par les jambes sur le sol râpeux jusqu’à sa cellule.
IV
Naguib entra dans la cuisine en bâillant, la bouche sèche, les yeux collés, impatient de prendre son premier verre de chaï . Absorbée par la télévision, sa femme ne leva même pas les yeux.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.
— Des Occidentaux ont été enlevés à Assiout la nuit dernière, répondit-elle. Des gens de la télévision. Hier, ils filmaient Amarna. Tu les as vus ?
— Non.
— Apparemment, la femme qui lit est celle qui a participé à la découverte du tombeau d’Alexandre. Tu te souviens de la conférence de presse avec le secrétaire général et de cet homme que...
— Que tu trouvais si beau ?
Yasmine rougit.
— J’ai juste dit qu’il avait l’air sympa, se défendit-elle.
— Et que disent les journalistes ?
— Que leur voiture a été retrouvée brûlée à Assiout et qu’un homme pauvre et à moitié aveugle a été payé pour apporter une vidéo à la chaîne de télévision. Depuis, cette vidéo est diffusée en boucle. Les preneurs d’otages veulent que les hommes arrêtés pour le viol et le meurtre des deux jeunes filles soient libérés.
— Ils veulent qu’on relâche des violeurs et des assassins ?
— Ils disent qu’ils ne sont pas coupables.
— Incroyable...
— Les pauvres, comment ont-ils la force de tenir le coup ?
Naguib posa la main sur l’épaule de sa femme. La vidéo réapparut dans un coin de l’écran, et il vit la terrible angoisse des otages, la plaie sanglante sur la joue de l’homme et les ombres
Weitere Kostenlose Bücher