L'énigme de l'exode
un homme. Qui aurait pu se douter qu’elle le pousserait à de telles extrémités ? Khaled avait donné ses ordres et il n’était pas question de lui désobéir. Pas une deuxième fois.
Faisal et Abdallah arrivèrent au bord du puits.
— Qui est là ? cria Gaëlle. Qu’est-ce qui se passe ?
Faisal eut le cœur serré par cette voix angoissée. Cette fille lui avait donné du chocolat le matin même. Ils avaient ri et plaisanté ensemble. Comment la situation avait-elle pu dégénérer aussi rapidement ?
— Je les éclaire avec ma torche, murmura Abdallah. Toi, tu les...
— Pourquoi moi ? protesta Faisal.
— Vous allez nous laisser partir ? demanda Gaëlle. S’il vous plaît, je vous en prie.
— Il n’y a pas de pourquoi ! maugréa Abdallah. Tu le fais, c’est tout.
— Et si c’était moi qui les éclairais avec ma torche ? suggéra Faisal. Tu n’as qu’à le faire, toi !
Il regarda au fond du puits, comme si cela allait régler le problème. Gaëlle frotta une allumette, qu’elle avait dû trouver parmi leurs détritus. La flamme éclaira brusquement son visage et son regard implorant.
— Si seulement on avait une des grenades du capitaine, se lamenta Abdallah. Ce serait plus facile.
— Pour nous, tu veux dire, rétorqua Faisal.
La deuxième femme se mit à sangloter. Faisal s’efforça de faire abstraction de ses gémissements.
— Bon, on le fait ensemble, finit par proposer Abdallah. Ensuite, on vérifiera avec la torche.
— Je n’aime pas ça, déclara Faisal.
— Tu crois que ça me plaît, à moi ? Mais c’est ça ou affronter Khaled.
Faisal inspira profondément. Il abattait régulièrement du bétail, dans sa ferme. C’était la même chose. Du bétail à abattre.
— D’accord, dit-il.
Il épaula ; les otages se mirent à hurler.
— À trois, on y va, dit Abdallah.
— D’accord.
— Un... deux...
Chapitre 31
I
Augustin rentra chez lui, fatigué et inquiet. Le fait d’avoir été percé à jour par Farouq et le mépris que celui-ci lui avait témoigné après l’avoir molesté l’avaient vidé de son énergie vitale. Il avait demandé à voir Knox au commissariat, mais l’inspecteur lui avait ri au nez. D’habitude, il ne se laissait pas abattre, mais ce soir, il avait le moral à zéro.
Une femme hystérique se pencha par-dessus la rampe de l’escalier pour l’insulter à propos de son ami violeur. Il n’eut même pas la force de lui répondre.
Il sortit un verre qu’il remplit à moitié de glace, et ouvrit une bouteille de whisky. Il emmena le tout dans sa chambre, sur sa table de nuit, et versa un peu de whisky sur la glace. Il ouvrit sa penderie et souleva la pile de tee-shirts. La pochette avait été déplacée. Ce n’était pas surprenant. Knox n’avait rien dit au téléphone, bien sûr. C’était un homme, et heureusement, les hommes discutent calmement de ce genre de choses. Mais Augustin avait perçu une légère hésitation dans sa voix. Sur le coup, il avait cru que c’était à cause de la situation difficile dans laquelle il se trouvait. Puis il avait compris. Knox avait dû chercher une chemise propre et trouver la pochette. C’était le destin. Il fallait toujours payer pour ses fautes.
Augustin sortit les photos et les étala sur sa couette. Sa préférée, c’était la première, d’autant que Gaëlle la lui avait donnée en personne. Ils étaient tous les trois dans le désert et se tenaient par les épaules en souriant. C’était la fin d’après-midi et les dunes rouges et or projetaient de longues ombres sous un ciel bleu foncé, strié de bandes mauves et orangées. C’était un Bédouin aux cheveux grisonnants qui avait pris ce cliché. Il marchait dans le sable, au milieu de nulle part, en compagnie de ce chameau, le plus sinistre qu’Augustin aie jamais vu. Ce jour-là, il s’était passé quelque chose. Lorsque Gaëlle lui avait donné la photo, Augustin n’avait pas pu se résoudre à la ranger quelque part. Au contraire, il en avait rassemblé d’autres, de Gaëlle et de Knox, puis de Gaëlle seule.
Sans s’en rendre compte, il avait vidé son verre. Il le remplit de nouveau.
Pourquoi s’attacher à une femme quand on pouvait en avoir vingt ? Il avait toujours détesté la fidélité. Tous les hommes se seraient conduits comme lui s’ils en avaient eu le courage. La monogamie, c’était pour les faibles. Mais peut-être avait-il vieilli, car les soirées avec Knox et Gaëlle lui avaient fait
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