L'énigme de l'exode
le conducteur avait précipité volontairement cette voiture dans un fossé, il aurait eu toutes les chances de s’en sortir, alors que le passager aurait été gravement blessé, voire tué sur le coup. Vous êtes d’accord ?
— Il faut être fou pour se raconter ce genre d’histoires...
— Je ne suis pas fou. Je suis très motivé.
— Et pour quelle raison aurais-je fait cela ?
— C’est à vous de me le dire.
— C’est absurde ! Omar était un ami. Je ne l’ai pas tué, je le jure !
— Je croyais que vous aviez perdu la mémoire. Comment pouvez-vous en avoir la certitude ?
— Parce que je ne ferais jamais une chose pareille. Vous n’avez qu’à demander autour de vous.
— J’ai demandé...
— Alors vous le savez.
Knox fut néanmoins assailli de doutes. De quoi ses amis étaient-ils capables, si on leur mettait la pression ? Et puis, sait-on jamais ce que les gens pensent de vous ?
— Apparemment, vous êtes une célébrité dans le milieu de l’archéologie, poursuivit Farouq. J’ai entendu dire que vous aimiez être sous les feux de la rampe.
— Ça ne m’est arrivé qu’une seule fois. Et ça ne signifie pas que j’aie apprécié.
— Ça vous monte à la tête, c’est ça ? Vous vous sentez revivre, mais quand vous retournez dans l’ombre, vous avez une sensation de vide.
— Parlez pour vous.
— Vous voulez savoir ce que je crois ? Je crois que vous avez trouvé quelque chose hier, sur le site de Peterson, et que c’est pour cette raison que vous y êtes retourné de nuit. Mais monsieur Tawfiq et vous avez eu un désaccord. Tawfiq, selon ses collègues, était un homme très scrupuleux. Il a dû vouloir respecter la procédure habituelle et informer le secrétaire général, au Caire. Mais vous vous y êtes opposé. Tout le monde raconte que vous avez eu des problèmes avec le secrétaire général, et que vous vous détestez cordialement. Vous n’avez pas supporté l’idée qu’il soit au centre de tous les regards, qu’il recueille tous les honneurs, alors que c’était à vous qu’ils revenaient. C’était plus que vous ne pouviez en supporter. Alors vous avez réduit Omar au silence.
— C’est n’importe quoi !
Farouq prit un air sombre.
— Vous savez ce que j’ai dû faire, ce matin ? J’ai dû rendre visite à la famille de monsieur Tawfiq, et les informer de son décès. C’est la partie la plus difficile de mon métier, comme vous pouvez l’imaginer. Connaissez la famille de Tawfiq ?
— Il n’en parlait jamais.
— Ce n’est pas étonnant. Un homme respecté comme lui...
— Où voulez-vous en venir ?
— Son père est un homme très puissant, monsieur Knox. De même que ses frères.
Knox fut pris de vertige.
— Vous voulez dire que...
— J’en ai bien peur. Et ils ne sont pas contents, vous pouvez me croire. Ils veulent des explications. J’ai été obligé de leur révéler que vous étiez au volant de la jeep et qu’il n’y avait pas de ceinture de sécurité côté passager.
— C’est pas vrai...
— Ils vous tiennent pour responsable de sa mort, monsieur Knox. Et ce sont des hommes dangereux, qui ne sont pas du genre à laisser la mort d’un fils ou d’un frère impunie.
— Ils me recherchent ?
— Vous me demandiez tout à l’heure pourquoi je vous avais fait venir ici. Je voulais vous parler, bien sûr, mais je me souciais aussi de votre sécurité. Je ne laisserai personne commettre un meurtre dans ma ville. Même si la cible est un étranger. Même si c’est un tueur. Mais je peux vous dire une chose : je n’aimerais pas être à votre place, monsieur Knox.
— Je ne l’ai pas tué, murmura Knox.
— Vous feriez bien de récupérer votre mémoire le plus vite possible, lui recommanda Farouq en se levant. Nous nous reverrons demain matin. La nuit porte conseil.
III
Dans l’oued, Khaled avait conduit le Discovery au pas mais, une fois dans le désert, il accéléra. La lune était basse sur l’horizon et faisait luire le sable comme de l’étain terni. L’air froid de la nuit s’engouffrait par la vitre cassée. Khaled avait les doigts glacés. Il avait laissé les phares allumés : il risquait nettement moins de tomber sur quelqu’un que de heurter les cailloux cachés comme des mines dans le sable. Il se sentait étrangement calme. La situation ne dépendait plus de lui. Il arriva à la route du désert sans encombre et se dirigea vers le sud pour gagner Assiout. Il commença à croiser
Weitere Kostenlose Bücher