L'énigme de l'exode
étranges dessinées par un éclairage au sol. Pendant ce temps, les commentateurs déploraient tour à tour ce fléau qui pesait sur la nation et débattaient des mesures à prendre par le gouvernement. Naguib eut lui aussi des difficultés à s’arracher à l’écran. Et pourtant, il fallait qu’il aille au bureau, qu’il se mette à jour dans sa paperasse et trouve encore le temps d’aller voir les ghaffirs . Mais contrairement à sa femme, ce n’était pas la compassion qui le clouait sur place. C’était autre chose. Au fond de lui, son instinct de policier était mis en alerte. Et il ne savait pas pourquoi.
Chapitre 32
I Knox avait les lèvres poisseuses et enflées. Il les essuya du revers de la main, et elles laissèrent une traînée rouge sur sa peau. Il s’assit sur la paillasse et fut pris d’un léger vertige, qui dura quelques secondes. Mais ce n’était rien comparé au souvenir qui lui revint à l’esprit.
Gaëlle terrifiée, à genoux, Gaëlle prise en otage par des terroristes.
Il eut l’impression qu’il allait vomir. Il se pencha en avant, mais parvint à se retenir. Il se leva, marcha d’un pas hésitant jusqu’à la porte et regarda par la lucarne. La télévision diffusait toujours la nouvelle, bien que quelqu’un ait finit par baisser le son. Gaëlle était encore là. Elle lisait son texte. Knox le connaissait déjà presque par cœur. La confrérie islamique d’Assiout. Nous traite bien. Tant que nous ne serons pas recherchés. Relâchés indemnes lorsque les autres seront libérés. S’ils ne sont pas libérés d’ici quatorze jours...
Le regard de Gaëlle. Ses mains tremblantes. Elle luttait contre l’effroi, terrifiée par un danger imminent et non par une menace qui serait mise à exécution quatorze jours plus tard. Knox n’avait pas d’enfant mais pourtant, il éprouvait face à cette situation l’impuissance et le désespoir d’un père. Un sentiment féroce, insupportable, et qu’il fallait pourtant endurer.
— Tu connais un des otages ?
Knox cligna des yeux et se retourna. C’était l’homme en costume blanc froissé qui venait de lui parler.
— Pardon ?
— Tu connais un des otages ?
— Oui.
— Qui ?
— La fille.
— La rousse ou la brune ?
— La brune.
Soudain, Knox eut un flash. Il se revit en train de parler à deux hommes. L’un portait un faux col ; l’autre avait la même corpulence que son compagnon de cellule.
— Elle a l’air jolie, reprit celui-ci.
— Elle l’est.
— C’est ta copine ?
— Non, c’est une collègue.
— C’est ça ! ricana l’homme en costume. Moi aussi, je réagis toujours comme ça quand mes collègues ont des problèmes. Je deviens dingue et je cherche la bagarre avec les flics.
— C’est aussi une amie.
— En tout cas, je voulais te dire que je suis désolé que des hommes de mon pays lui infligent ça. Si je peux faire quelque chose...
— Merci.
Knox regarda de nouveau l’écran. Il y avait quelque chose qui l’intriguait dans la vidéo de la prise d’otages.
— Je ne suis pas irréprochable, sinon je ne serais pas là, reprit le compagnon de cellule de Knox, mais je ne comprends pas que des hommes qui se réclament d’Allah puissent croire qu’Allah approuve...
— Chut, l’interrompit Knox.
La vidéo reprenait depuis le début. Gaëlle était à genoux, puis elle s’asseyait en lotus et levait la main droite. Knox avait déjà vu cette position quelque part. Mais où ? Serrant les poings de toutes ses forces, il lutta pour raviver ce souvenir. La mosaïque ! Le personnage au centre de l’étoile à sept branches !
Il fut traversé d’un long frisson.
Gaëlle lui avait envoyé un message.
II Le téléphone sonnait interminablement. Augustin faisait de son mieux pour l’ignorer, mais quand la sonnerie se fut enfin arrêtée, le mal était fait : il était réveillé. Il avait la bouche sèche et un marteau-piqueur semblait lui buriner l’intérieur du crâne. Le matin était donc venu. Il se tourna sur le côté, protégea ses yeux des rayons obliques du soleil et regarda son réveil. Les gueules de bois, il fallait que ça cesse. Il se leva. Autour de lui, la pièce se mit à tanguer. Une fois de plus, il se promit de se débarrasser de ses mauvaises habitudes. Cependant, ce matin, il se sentait au bord de la panique, tel un adolescent qui se rend compte qu’il est allé trop loin. Il tituba jusqu’aux toilettes et se soulagea longuement d’une urine jaune
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