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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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mercredi en circulant en dehors de l'itinéraire initial, dans d'autres quartiers de la ville.
    Ils parvinrent bientôt en vue de la Bastille. À leur gauche, la place de la Porte Saint-Antoine menait vers le faubourg. Ils bifurquèrent vers la droite pour longer les fossés. Nicolas frémit en découvrant les quatre énormes tours qui donnaient sur la ville. Ils durent franchir plusieurs portes au bout du pont qui conduisait à l'entrée principale de la prison d'Etat. Bourdeau, bon connaisseur des lieux, se fit reconnaître du corps de garde et du geôlier en chef. Celui-ci tendit une main froide et humide à Nicolas, qui retint un mouvement de recul devant ce personnage bigle et un peu crapoussin 68 qui se déhanchait en marchant. Il prit une lanterne et les entraîna vers l'une des tours.
    Ils pénétrèrent dans le monstre de pierre. La masse énorme de la forteresse coupait le souffle au fur et à mesure que se développaient et se resserraient autour d'eux ses épaisses murailles. Elles auraient pu appartenir à un organisme malade dont les souffrances se fussent manifestées par la décoloration et la desquamation. Nulle part l'ombre ne jouait avec la lumière. Les deux éléments ne se mêlaient pas. Seules des lances de jour perçaient l'obscurité des voûtes sans se diffuser. L'étroitesse des ouvertures sur l'extérieur était telle que ces apparitions fugitives s'effaçaient tout aussi rapidement qu'elles étaient venues.Cependant, là où, depuis des siècles, elles avaient frappé la pierre au même endroit, sa surface avait pris une teinte blanchâtre et livide qui contrastait avec le gris plombé des blocs avoisinants. Mais le regard ne se reposait pas longtemps sur ces dégradés clairs. Partout, dans les angles, les recoins et les culs-de-sac de cet immense labyrinthe, d'étranges mousses humides recouvraient comme une lèpre le corps de la prison. Des volutes de champignons, flottant pareilles à de lourdes toiles d'araignées, absorbaient le peu d'air de cette atmosphère confinée. D'étranges concrétions minérales, d'un gris tirant sur le vert, dont les points brillaient à la lueur de la lanterne, dénonçaient le salpêtre et le resurgissement des sels qu'exsudait, sous le travail incessant de l'humidité, le calcaire des murs. Le pied glissait dans des passages obscurs où le sol pourri et spongieux, semblable à celui d'une grotte marine tapissée d'algues, se résorbait en boue. Sur tout cela flottait une odeur froide et pénétrante, presque palpable, opaque à force d'oppression, qui rappelait à Nicolas la collégiale de Guérande quand, aux jours de grande pluie, elle se transformait en crypte fumante dont le granit pleurait et qu'elle exhalait l'encens froid, le moisi et l'odeur persistante de la décomposition montant des vieux caveaux.
    À tout cela s'ajoutait l'odeur de crasse et de graillon qui émanait de l'habit de coutil gris du geôlier. Le bruit précipité de son essoufflement et celui de leurs pas étaient la seule manifestation humaine de cet univers désert. Après de lents tours de clefs, il ouvrit enfin une lourde porte de chêne renforcée de plaques de fer. Nicolas fut surpris de l'immensité de la cellule. La pièce était hexagonale, et trois degrés permettaient d'y descendre, aggravant encore l'impressionde hauteur. Trois autres degrés servaient à atteindre, à l'opposé, une étroite ouverture fermée d'épais barreaux. À droite, un lit de bois où Nicolas fut étonné de voir des draps blancs et une couverture de droguet 69 . Ils n'aperçurent pas tout de suite Semacgus, que le battant de la porte dissimulait. En descendant, ils le découvrirent assis à une petite table, presque dans la cheminée. Il écrivait et le bruit de la serrure ne l'avait apparemment pas dérangé dans son travail. Sa voix s'éleva, rogue.
    — Ce n'est pas trop tôt ! Il fait un froid de tous les diables et le bois allait me manquer.
    Comme on ne lui répondait pas, il se retourna tout d'une pièce et découvrit Nicolas pensif, Bourdeau la mine composée, et le geôlier qui roulait des yeux inquiets.
    Il se leva et vint à leur rencontre.
    — À vous voir, mes amis, j'ai le sentiment qu'on vient me chercher pour me pendre ! s'exclama-t-il.
    — Il est un peu tôt pour vous pendre, dit Nicolas, mais notre visite a pour but de vous interroger sur de graves conjonctures.
    — Ah ! diantre. Nous revoilà, je le crois, à réécrire une scène déjà jouée. Nicolas, vous allez d'un

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