L'énigme des blancs manteaux
avait bien précisé avoir reconnu son pourpoint de cuir. Mais était-ce le policier qui avait été vu ou quelqu'un qui souhaitait sefaire passer pour lui, afin qu'on le crût encore vivant ? Tant que les vêtements du commissaire ne seraient pas retrouvés, le doute subsisterait. Ils rebroussèrent chemin et remirent tout en ordre pour dissimuler leur passage.
— J'ai une idée, dit Bourdeau. Elle vaut ce qu'elle vaut mais on pourrait tenter le coup. Imaginez que le fuyard ait été rattrapé. Vous voyez la scène. Vous remontez seul dans la cuisine. Vous annoncez à Mme Lardin que le corps de son mari a été retrouvé assassiné, que son visiteur a été pincé, qu'il a parlé et que je le tiens sous bonne garde. On verra bien sa réaction.
Nicolas mesura rapidement toutes les conséquences possibles de cette audacieuse proposition.
— Il y a plus d'avantages que d'inconvénients à essayer, conclut-il. J'ajouterai un peu de ragoût à la chose en improvisant suivant l'humeur de la bonne dame !
Ils refirent le chemin inverse en silence. Les rats reparaissaient, mais s'écartaient prudemment dès qu'ils approchaient. Bourdeau demeura dans le caveau et Nicolas remonta dans la cuisine. Louise Lardin, surveillée par l'exempt, était toujours adossée au buffet. Elle ne le vit pas tout de suite. Nicolas la trouvait pâle et vieillie.
— Madame, commença-t-il, il me paraît inutile de vous décrire ce que nous avons découvert dans le passage secret de votre demeure. Mais ce que vous ignorez encore, c'est que celui qui s'est enfui de votre chambre, à notre arrivée, a été appréhendé alors qu'il tentait de sortir des Blancs-Manteaux. Il a avoué le crime.
La surprise, l'effroi, puis le calcul, se lurent successivementsur le visage de Louise. Elle se précipita les ongles en avant. Nicolas dut la saisir aux poignets pour préserver son visage pendant que l'exempt la ceinturait. Ils parvinrent enfin à l'immobiliser sur une chaise.
— Que lui avez-vous fait ? hurlait-elle. Vous vous trompez, insensés, ce n'est pas lui ! Il n'y est pour rien.
Elle écumait et tout son corps s'arquait.
— Qui alors ?
— L'autre, le lâche, l'ordure, celui qui me voulait, puis ne me voulait plus ! Celui qui avait des scrupules, des états d'âme, comme il disait. Qui ne voulait pas tromper son ami ! Ah ! l'honnête homme qui couchait avec la femme de celui à qui il devait tant. Lui qui est venu à notre rendez-vous. Il était au bordel, avec Lardin et Descart, chez la Paulet, une vieille amie, vous savez. Il est venu tard et honteux, dans mes jupes. Il en avait besoin. Il ne pouvait se passer de moi. Il croyait Lardin en goguette. Alors, il est resté. Mais Lardin est rentré plus tôt que prévu. Ils se sont battus et Semacgus l'a étranglé. Après, que voulez-vous que je fasse ? La femme, le mari, l'amant... J'étais complice, c'était la mort assurée. On a déshabillé le corps et on l'a traîné dans le souterrain. Il suffisait d'attendre que les rats aient tout nettoyé. Après, on se débarrasserait de ce qui resterait. Un petit sac d'os à jeter dans la Seine, de nuit. Il a fallu écarter cette mégère de cuisinière qui mettait son nez partout. Je l'ai chassée au plus vite, avant qu'en bas... Ensuite, on a mis le sanglier : l'odeur de l'un couvrait l'odeur de l'autre. Je suis innocente. Je n'ai rien fait. Je n'ai pas tué.
— Ainsi, selon vous, c'est le docteur Semacgusqui, surpris par votre mari, l'aurait tué au cours d'une rixe ?
— Oui.
Nicolas pensa jouer sa carte maîtresse.
— Mauval est donc innocent ? Alors pourquoi s'accuse-t-il ?
— Je ne sais pas. Pour me sauver. Il m'aime. Je veux le voir. Lâchez-moi !
Elle tomba en pâmoison. Ils l'étendirent sur la table et Nicolas lui frotta les tempes avec du vinaigre. Comme son malaise persistait, il ordonna qu'elle fût immédiatement conduite à la Conciergerie 66 où des soins lui seraient prodigués.
Bourdeau, qui avait tout entendu depuis l'escalier du caveau, reparut. Nicolas le sentait impatient de commenter les révélations de Louise Lardin.
— Ça a marché, dit-il, mais le résultat fait naître autant de questions qu'il en pose.
— Vous avez observé, Bourdeau, qu'elle prétend que Lardin a été étranglé. Ce n'est qu'après l'ouverture du corps et son examen attentif que nous connaîtrons la vérité. Nos constatations qui font soupçonner l'usage du poison ne sont d'ailleurs peut-être pas contradictoires avec ce qu'elle
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