L'ennemi de Dieu
croissants de lune en argent. Ses cheveux
roux étaient ramenés en tresses enroulées autour de son crâne et maintenus en
place par deux épingles en forme de dragon. Elle portait autour du cou le
collier d’or qu’Arthur lui avait envoyé il y a longtemps après une bataille
contre les Saxons d’Aelle. Elle m’avait dit alors qu’elle ne l’aimait pas, mais
il lui allait à merveille. Peut-être toutes ces cérémonies lui paraissaient-elles
fastidieuses, mais elle fit de son mieux pour aider son mari.
« Quelles
menaces ? me demanda-t-elle froidement.
— Ils
savent, fis-je en regardant les jumeaux.
— Nous n’avons
fait aucune menace, protesta sèchement Lavaine.
— Mais
vous pouvez faire disparaître les étoiles », repris-je d’un ton
accusateur.
Un léger
sourire éclaira le beau visage de brute de Dinas : « La petite étoile
en papier, Seigneur Derfel ? demanda-t-il en feignant la surprise. Est-ce
cela votre affront ?
— C’était
votre menace.
— Mon
Seigneur ! fit Dinas en se tournant vers Arthur. Ce n’était qu’un tour
pour enfants. Cela ne signifiait rien.
— Vous le
jurez ? demanda Arthur en posant son regard sur les druides.
— Sur la
vie de mon frère, promit Dinas.
— Et la
barbe de Merlin ? Vous l’avez encore ? » J’avais choisi de les
défier. Guenièvre soupira comme pour suggérer que je devenais fatigant. Galahad
fronça les sourcils. Hors du palais, les voix des guerriers se faisaient
rauques sous l’effet de l’hydromel. Lavaine leva les yeux vers Arthur.
« Il est
exact, commença-t-il d’un ton courtois, que nous possédions une mèche de la
barbe de Merlin coupée après qu’il avait insulté le roi Cerdic. Mais sur ma
vie, Seigneur, nous l’avons brûlée.
— Nous ne
combattons pas les vieillards, grogna Dinas avant de se tourner vers Ceinwyn.
Ni les femmes. »
Arthur s’illumina.
« Allons, Derfel, approche. La paix régnera entre mes amis les plus chers. »
J’hésitai
encore, mais Ceinwyn et son frère me pressèrent d’avancer et, pour la seconde
et dernière fois de ma vie, j’embrassai Lancelot. Mais cette fois, plutôt que
de chuchoter les insultes que nous avions échangées la première fois, nous ne
dîmes rien. Un baiser suffit, et chacun recula d’un pas.
« La paix
régnera entre vous, insista Arthur.
— Je le
jure, Seigneur, répondis-je avec raideur.
— Je n’ai
point de querelle », fit Lancelot tout aussi sèchement.
Arthur dut se
contenter de notre réconciliation grincheuse, et il poussa un immense soupir de
soulagement, comme s’il en avait fini avec la partie la plus difficile de la
journée. Puis il nous serra tous deux dans ses bras avant d’insister pour que
Guenièvre, Galahad, Ceinwyn et Cuneglas viennent à leur tour échanger des
baisers.
Notre épreuve
était terminée. Les dernières victimes d’Arthur furent sa propre épouse et
Mordred. N’ayant aucune envie d’en être le témoin, je sortis avec Ceinwyn. À la
demande d’Arthur, son frère resta et nous nous retrouvâmes tous les deux seuls.
« J’en
suis navré, dis-je.
— C’était
une épreuve inévitable, fit Ceinwyn en haussant les épaules.
— Je ne
fais toujours pas confiance à ce bâtard, ajoutai-je avec rancœur. »
Elle sourit.
« Toi,
Derfel Cadarn, tu es un grand guerrier. Lui, c’est Lancelot. Le loup craint-il
le lièvre ?
— Il
craint le serpent », répondis-je d’un air sombre. Je n’avais aucune envie
de retrouver mes amis pour leur raconter la réconciliation avec Lancelot, et j’entraînai
Ceinwyn à travers les salles élégantes du Palais marin avec leurs murs à
colonnes, leurs sols décorés et les lourdes lampes de bronze avec leurs longues
chaînes de fer suspendues aux plafonds peints de scènes de chasse. Ceinwyn
trouva le palais incroyablement spacieux mais froid : « Les Romains
tout crachés !
— Guenièvre,
tu veux dire ! » répliquai-je.
Nous
découvrîmes une volée d’escaliers qui menait aux cuisines affairées, puis une
porte qui donnait sur les jardins, derrière le palais, où herbes et fruits
poussaient en plates-bandes bien ordonnées. « Je ne crois pas que cette
Confrérie de Bretagne puisse aboutir à quoi que ce soit, avouai-je lorsque nous
fûmes au grand air.
— À moins
que vous ne soyez assez nombreux à prendre le serment au sérieux, dit Ceinwyn.
— Peut-être. »
Soudain, je demeurai cloué sur place. Juste devant moi,
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