L'ennemi de Dieu
grands de Dumnonie répondirent présents. Cuneglas de Powys, Meurig de
Gwent, le prince Tristan de Kernow, tous vinrent de même, naturellement, que
Lancelot, et tous ces rois se firent accompagner de seigneurs, de druides, d’évêques
et de chefs, si bien que les tentes et les abris formaient un grand cercle tout
autour de la colline. Mordred, alors âgé de neuf ans, vint avec nous et, au
grand dégoût de Guenièvre, fut logé à l’intérieur du palais avec les autres
rois. Merlin refusa de venir. Il affirma qu’il était trop vieux pour ces
sottises. Galahad fut nommé maréchal de la Confrérie et présida aux cérémonies
avec Arthur. Comme lui, il croyait profondément à cette entreprise.
Je n’en ai
jamais fait l’aveu à Arthur, mais j’étais moi-même mal à l’aise. Son idée était
que nous allions tous nous lier par un serment de paix et d’amitié qui nous
ferait oublier nos vieilles inimitiés et interdirait à jamais aux Frères de
Bretagne de lever leurs lances les uns contre les autres. Les Dieux eux-mêmes
semblaient se gausser de cette ambition car le jour se leva sur un temps
glacial et un ciel sombre, même s’il ne tomba pas une goutte de pluie de la
journée. Arthur, qui était ridiculement optimiste, voulut y voir un signe de
bon augure.
Personne ne
portait ni épée, ni lance ni bouclier au cours de cette cérémonie, qui eut lieu
dans le jardin d’agrément du Palais, entre les deux nouvelles arcades
construites sur les talus qui descendaient vers la crique. Les étendards
flottaient sur les arcades, où deux chœurs entonnaient des chants solennels
pour donner aux cérémonies une dignité de circonstance. Au nord du jardin, tout
près d’une grande porte cintrée qui menait au palais, on avait dressé une
table. Une table ronde, même si cette forme n’avait pas de signification
particulière : c’était simplement la plus commode à installer dans le
jardin. Elle n’était pas très grande – son diamètre devait être à peu de
choses près comparable à l’envergure d’un homme les bras tendus – mais
elle était fort belle. Elle était romaine, naturellement, et taillée dans une
pierre blanche translucide dans laquelle était sculpté un superbe cheval aux
ailes déployées. L’une de ces ailes était fendue sur toute la longueur, mais la
table restait imposante et le cheval ailé était une merveille. Sagramor
assurait n’avoir jamais vu de bête pareille au cours de ses voyages, mais prétendait
qu’il existait bel et bien des chevaux volants de ce genre dans les pays
mystérieux qui se trouvaient par-delà les océans de sable. Sagramor avait
épousé Malla, sa robuste Saxonne, et était désormais père de deux garçons.
Les seules
épées autorisées étaient celles des rois et des princes. L’épée de Mordred
était posée sur la table, entrecroisée avec les lames de Lancelot, Meurig,
Cuneglas, Galahad et Tristan. L’un après l’autre, chacun s’avança : rois,
princes, chefs et seigneurs, tout le monde posa les mains à l’endroit où se touchaient
les six lames pour prononcer le serment d’amitié et de paix. Ceinwyn avait fait
passer des habits neufs à Mordred, puis elle lui avait coupé les cheveux et l’avait
peigné pour éviter que ces boucles n’aient l’air de deux balais au sommet de
son crâne rond, mais il avait quand même l’air d’un empoté quand il clopina sur
son pied-bot afin de marmonner le serment. J’admets que l’instant où je mis la
main sur les lames fut assez solennel : comme la plupart des hommes
présents, j’avais réellement l’intention d’honorer ce serment qui était, bien
entendu, réservé aux hommes, car Arthur considérait que ce n’était pas l’affaire
des femmes, même si beaucoup se postèrent sur la terrasse, au-dessus de la
porte cintrée, pour suivre la longue cérémonie. À l’origine, Arthur avait voulu
réserver l’appartenance à cette Confrérie aux seuls guerriers assermentés qui
avaient combattu les Saxons, mais il l’avait maintenant élargie à tous les
grands qu’il avait pu attirer dans son palais. Lorsque tous eurent défilé, il
prêta serment à son tour puis rejoignit la terrasse pour nous expliquer que le
serment que nous venions de prêter était le plus sacré que nous eussions jamais
prononcé, que nous avions promis de donner la paix à la Bretagne et que, si l’un
de nous trahissait son serment, le devoir de tous les autres était de punir
Weitere Kostenlose Bücher