L'ennemi de Dieu
d’Ermid. Où se
trouvaient mes enfants. Où se trouvait Ceinwyn. Et vers où les druides de Silurie
et leurs lanciers s’étaient dirigés trois heures plus tôt.
*
Des flammes
éclairaient notre chemin. Non pas les flammes qui illuminaient les noces de
Lancelot avec la morte, mais de nouvelles flammes rouges qui jaillissaient dans
le ciel depuis la salle d’Ermid. Nous étions au milieu de l’étang lorsque nous
vîmes leurs longs reflets se briser sur l’eau noire.
Je priais
Gofannon, Lleullaw, Bel, Cernunnos, Taranis, tous les Dieux, où qu’ils fussent,
que l’un d’eux quittât le royaume des étoiles pour sauver ma famille. Les
flammes bondissaient toujours plus haut, crachant des flammèches dans la fumée
qu’emportait le vent d’ouest à travers la malheureuse Dumnonie.
Quand Nimue
eut terminé son récit, nous continuâmes en silence. Issa avait les larmes aux
yeux. Il s’inquiétait pour Scarach, la petite Irlandaise qu’il avait épousée,
et il se demandait, comme moi, ce qu’étaient devenus les lanciers que nous
avions laissés pour garder la salle. Ils étaient assurément assez nombreux pour
retenir Dinas, Lavaine et leurs hommes de main. Mais les flammes suggéraient
que les choses avaient pris un tout autre tour, et nous redoublâmes d’efforts.
En nous
rapprochant, nous entendîmes des hurlements. Nous n’étions que six lanciers,
mais je n’hésitai pas un instant et me refusai au moindre détour pour foncer
dans le trou d’eau ombragé qui s’étendait juste à côté de la palissade et
débarquer à deux pas du petit coracle de Dian que Gwlyddyn, le serviteur de
Merlin, avait fait pour elle.
Je ne compris
que plus tard comment les choses s’étaient passées cette nuit-là. Gwilym, l’homme
qui commandait les lanciers restés sur place tandis que je marchais dans le
nord avec Arthur, avait aperçu une lointaine fumée à l’est et avait deviné qu’il
se tramait quelque chose. Il avait posté ses hommes puis avait rejoint Ceinwyn
pour voir avec elle s’ils devaient rejoindre les bateaux et aller se cacher
dans les marais. Ceinwyn avait refusé. Malaine, le druide de son frère, avait
administré à Dian une décoction qui avait fait passer la fièvre, mais l’enfant
demeurait faible. En outre, nul ne savait ce que la fumée voulait dire et aucun
messager ne s’était présenté pour les avertir du danger. Ceinwyn avait préféré
envoyer deux lanciers aux nouvelles et attendre à l’abri de la palissade. La
nuit était tombée sans qu’elle eût reçu de nouvelles. Mais en un sens, tous en
étaient soulagés car rares étaient les lanciers qui marchaient de nuit, et
Ceinwyn se sentait en tout cas plus en sécurité qu’en plein jour. Depuis la
palissade, ils avaient aperçu des flammes de l’autre côté de l’étang, à Ynys Wydryn,
et s’étaient demandé ce que cela signifiait. Mais personne n’avait entendu
approcher les cavaliers de Dinas et Lavaine dans les bois voisins.
Les cavaliers
avaient mis pied à terre à une bonne distance de la salle, attaché les rênes de
leurs montures aux arbres puis, profitant des nuages qui voilaient la lune, s’étaient
glissés jusqu’à la palissade. Ce n’est que lorsque les hommes de Dinas et
Lavaine prirent la porte d’assaut que Gwilym comprit que la salle était
attaquée. Ses deux éclaireurs n’étaient pas rentrés et il n’y avait pas de
gardes dans les bois. L’ennemi était déjà au pied de la palissade quand l’alerte
fut donnée. La porte n’était pas bien imposante – à peine plus haute qu’un
homme – et le premier rang des ennemis s’y précipita sans armures ni
lances ni boucliers et parvint à l’escalader avant que les hommes de Gwilym n’aient
eu le temps de se réunir. Les gardes de la porte combattirent et tuèrent, mais
ces premiers assaillants furent assez nombreux à leur échapper pour débloquer
la porte et ouvrir la voie aux lanciers lourdement armés de Dinas et de
Lavaine. Dix de ces lanciers appartenaient à la garde saxonne de Lancelot, les
autres étaient des guerriers belges qui avaient fait le serment de servir leur
roi.
Les hommes de
Gwilym firent de leur mieux pour se rassembler et le combat le plus farouche
eut lieu devant la porte de la salle. C’est là que Gwilym lui-même gisait,
mort, avec six autres de mes hommes. Six autres gisaient dans la cour, où un
entrepôt était la proie des flammes, celles-là mêmes qui nous avaient
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