L'ennemi de Dieu
de rejoindre son frère derrière la salle
lorsque mes lanciers se précipitèrent pour lui barrer le chemin. Il se
retourna, me vit et courut vers la porte. Il tenait Dian comme un bouclier.
« Je le
veux vivant ! » grondai-je en me lançant à ses trousses dans le capharnaüm
illuminé par le brasier. Un autre Saxon se jeta sur moi en grognant le nom de
son Dieu, qui, par la grâce d’Hywelbane, lui resta en travers de la gorge. Issa
poussa un cri et j’entendis les sabots : l’ennemi qui gardait l’arrière de
la salle chargeait à cheval. Revêtu comme son frère de la robe noire des
prêtres chrétiens, Dinas menait la charge, sabre au clair.
« Arrêtez-les ! »
criai-je. J’entendais Dian hurler. L’ennemi était pris de panique. Ils étaient
supérieurs en nombre, mais l’irruption des lanciers dans la nuit noire leur
avait fait passer leur assurance. Et la sauvage Nimue, avec son orbite creuse
et sa lance ensanglantée, avait dû leur apparaître comme une goule surgie d’une
nuit d’épouvante pour réclamer leurs âmes. Ils fuyaient, terrorisés. Lavaine
attendait que son frère fût tout près de l’entrepôt en flammes et tenait encore
sa lame sur la gorge de Dian. Sifflant comme Nimue, Scarach le tenait à portée
de sa lance sans oser risquer la vie de ma fille. D’autres ennemis escaladaient
la palissade et certains couraient vers la porte. Quelques-uns trouvèrent la
mort dans l’obscurité, entre les cabanes, mais certains s’échappèrent en
courant à côté des chevaux terrifiés qui s’enfoncèrent dans la nuit.
Dinas se
dirigea droit sur moi. Je levai mon bouclier, brandis Hywelbane et lançai mon
défi. Mais au dernier moment, il fit faire une embardée à sa monture aux yeux
blancs en lançant son épée vers moi pour se diriger vers son frère jumeau.
Arrivé à hauteur de Lavaine, il se pencha de la selle et tendit le bras. Sacrach
se jeta de côté pour échapper à la charge alors que Lavaine trouvait refuge
dans les bras salvateurs de son frère. Il laissa tomber Dian, que je vis s’étaler
par terre derrière lui. Lavaine s’accrochait désespérément à son frère, qui s’agrippait
tout aussi désespérément à la selle du cheval au galop. Je leur criai de s’arrêter
et de se battre, mais les jumeaux poursuivirent leur course en direction des
arbres noirs où les autres survivants avaient fui. Je maudis leurs âmes. Posté
à la porte, je les traitai de vermine, de couards, de créatures du démon.
« Derfel ?
appela Ceinwyn dans mon dos, Derfel ? »
Je cessai mes
malédictions et me retournai : « Je suis en vie, je suis en vie.
— Oh
Derfel ! » fit-elle en sanglotant, et c’est alors que je la vis qui
tenait Dian dans ses bras, et sa robe blanche qui n’était plus blanche, mais
rouge.
Je courus les
rejoindre. Dian était blottie dans les bras de sa mère. Je lâchai mon épée,
retirai mon casque et m’agenouillai à côté d’elle. « Dian, murmurai-je, ma
chérie ? »
Je vis l’âme
vaciller dans ses yeux. Elle me vit – je suis sûr qu’elle m’a vu –
et elle vit sa mère avant de mourir. Elle nous regarda, puis son âme s’envola
comme un battement d’ailes dans les ténèbres, et aussi discrètement qu’une
chandelle soufflée par un courant d’air. Lavaine lui avait tranché la gorge en
saisissant le bras de son frère. Et son cœur abandonnait maintenant la bataille.
Mais elle me vit avant de mourir. Je le sais. Elle me vit, puis elle rendit l’âme.
Je passai les bras autour de son corps et de sa mère et pleurai comme un
enfant.
Je pleurai
toutes les larmes de mon corps pour ma petite, mon adorable Dian.
Nous avions
fait quatre prisonniers. Aucun n’était blessé : un garde saxon et trois
lanciers belges. Merlin les interrogea et, quand il eut fini, je les taillai en
pièces. Je les massacrai. Je tuai, fou de rage, je tuai en sanglotant, ne
connaissant plus que le poids d’Hywelbane et la satisfaction vide de la lame
qui mordait leur chair. L’un après l’autre, sous les yeux de mes hommes, sous
les yeux de Ceinwyn, sous les yeux de Morwenna et de Seren, je les massacrai
tous les quatre. Quand j’eus terminé, Hywelbane dégoulinait de sang, de la
pointe jusqu’à la garde, et je continuai pourtant à taillader leurs corps sans
vie. Mes bras étaient couverts de sang, ma rage aurait pu inonder la terre entière,
mais elle ne pouvait ramener à la vie la petite Dian.
Je voulais
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