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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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était morte par la faute de Lisbeth. Il ne pouvait lui pardonner ce trépas. Le reste ? Il se refusait d’y penser. Il revenait enfin dans son pays, il voulait oublier les sombres jours d’Angleterre quand, justement, Élisabeth empoisonnait dans son existence.
    — Sauvez-moi !
    Elle tendait vers lui un visage mat, dévoré de repentir et d’espérance. L’aider ? Il eût fallu soudain qu’il fut devenu fou.
    — Je n’ai besoin ni de vous sauver ni de savoir comment vous êtes venue dans ce port… J’ai eu pitié de vous, je m’en suis repenti !
    — Ogier, allons-nous-en ! intima Barbeyrac.
    Le Noiraud talonné plus fort que de coutume fit un écart. Cessant de regarder la gêneuse, Ogier vit s’approcher des filles et des hommes. Ils n’avaient rien de menaçant ; ils riaient : Lisbeth faisait les frais de leur joyeuseté.
    — Laisse-le, dit une grosse femme. Tu vois bien qu’il ne consent pas !
    — Viens avec moi, Lisbeth, cria un homme coiffé de fer.
    Des copeaux de clarté dansaient dans les yeux d’Élisabeth. Elle ne pleurait plus. Sa main se détacha du mors et retomba :
    — Va te faire foutriquer chez le duc d’Athènes !
    Et soudain, tournée vers les autres :
    — C’est un Franklin ! Courez-lui sus !
    Nul ne bougea. Ogier rejoignit ses compères.
    — Allons vélocement jusqu’au bout de cette ruelle.
    Ils atteignirent un carrefour et mirent les chevaux à l’amble.
    — Regardez ! dit Saveuse, qui vient en sens inverse.
    Devant eux, suivant un capitaine penché sur l’encolure d’un roncin pommelé, une compagnie apparut sur deux files. Les archers longèrent les murs pour livrer passage et leur chef salua.
    — Bon sang ! dit Barbeyrac après avoir répondu au salut, il me tarde d’être en France.
    — Et moi donc ! dit Saveuse.
    Voyant les soudoyers marcher à leur rencontre, ils avaient été pris d’une peur enfantine qu’ils avaient bien dissimulée, mais que leurs chevaux, par une commune incartade, avaient peut-être divulguée.
    — Il s’est retourné, dit Saveuse.
    — Il ne peut rien contre nous, dit Barbeyrac.
    — Il peut nous provoquer, nous contraindre à tirer notre lame, nous laisser occire un ou deux de ses hommes pour nous traîner, ensuite, en jugement… Soyons humbles, même si cela nous attriste !
    Ils avaient de plus en plus hâte de franchir n’importe quelle porte de Calais, n’importe quelle porte de Ville-Neuve-la-Hardie. Et justement, la première se présenta.
    — Halte ! cria un sergent qui venait de sortir d’un attroupement d’hommes d’armes.
    Coiffé d’un chapel de fer aux clinques [28] passées au noir, il portait un tabard qui avait été blanc, écussonné de trois léopards d’or sur fond de gueules, – le tout maculé de taches sombres. Grand, maigre et comme serré dans les étroites mailles de son haubergeon, il semblait fatigué d’être ce qu’il était.
    — Descendez de cheval, messires. D’où venez-vous ?
    La voix était légère quoique mélancolique. Ogier resta en selle et se montra courtois :
    — Nous ne pouvons venir, messire, que d’Angleterre. De Bunbury où nous étions les hôtes de messire Hugh Calveley.
    — Le géant !… Hôtes ou prisonniers ?
    Ogier sentit sur lui deux escarboucles immobiles, comme abandonnées à la lisière d’une barbe brune, crépue ; deux gemmes quasi maléfiques dont il devait éviter les feux s’il ne voulait point se sentir en état de sujétion. Il vit les gens d’armes, – une dizaine – les cerner, lui et ses compagnons. Derechef il eut peur et se fit déférent :
    —  Hôtes, messire. Hugh Calveley est mon ami. Votre roi Édouard nous connaît et nous avons des sauf-conduits qui portent le sceau royal. Je vais vous montrer le mien.
    Ogier ouvrit le col de son pourpoint. Le sergent aussitôt protesta :
    — Non ! Non !… Vous avez tous les trois des visages avenants ; vous montez des chevaux que vous connaissez bien. Vous avez obéi promptement comme des hommes dont l’esprit et le cœur sont nets. Allez en paix, messires, mais gardez-vous : sitôt franchie l’enceinte de Ville-Neuve-la-Hardie, vous allez pénétrer dans un pays terrible… Seththen the pestilence… La peste !
    — Est-ce à ce point ? demanda Barbeyrac.
    — La peste noire… Céans, nous faisons tout pour qu’elle reste au-dehors. C’est un mal effrayant… On en meurt en deux jours, parfois moins, dans les pires

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