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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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souffrances.
    — Savez-vous si la Normandie est épargnée ?
    — Le pays tout autour de Calais sent la mort… Vous verrez de grands feux consumer les défunts ; de profondes fosses en accueillir d’autres… La morille, comme les Franklins l’appellent, fait des êtres qui en sont atteints de gros étrons qui empunaisent et se décomposent vivants !
    Et, familièrement, l’Anglais continua :
    — Le vent que tu sentiras aura la flaireur de la mort ; tout ce que tu verras ne sera que charogne ; pas un village qui ne soit corrompu ; pas un être qui ne tremble et n’ait des sueurs au seul mot de peste  !… Quelques routiers errent, pillent, rançonnent ceux que le mal a épargnés.
    — Et je n’ai point d’épée ! soupira Loïs de Saveuse.
    — Si ce n’est que cela… Edmund, donne-lui la tienne. Tu iras en choisir une autre… Ce ne sont pas les épées qui manquent !
    L’homme interpellé déboucla sa ceinture d’armes et l’offrit à Saveuse :
    — Tiens, dit-il, je l’ai prise sur un chevalier français sur la butte du Val-aux-Clercs.
    Saveuse se contenta d’un sourire :
    — J’y étais… Par Dieu, tu n’aurais pu te saisir de la mienne !
    — Partez vélocement ! cria le sergent barbu dans la crainte d’une querelle. En continuant tout droit, vous parviendrez à la porte Philippa de Ville-Neuve-la-Hardie. Dites aux gardes que c’est Jean de Wygan qui vous envoie.
    La porte Philippa se présenta bientôt, gardée par une cinquantaine de guerriers commandés par trois capitaines enveloppés dans des paletocs de peaux de bêtes. Le plus âgé quitta la table sur laquelle il était assis.
    — Messires, puisque Jean de Wygan vous accorde sa confiance, passez… Mes vœux de bonne santé vous convoient [29] … Vous allez affronter des périls pires que ceux de la guerre !
    — Nous en triompherons, dit Loïs de Saveuse.
    — Que l’Éternel vous aide et vous protège tous !

II
    Un ciel pur, éclairé par une lune ovale et des étoiles dont les feux semblaient vaciller sous le vent. De grands champs mamelonnés parmi lesquels sinuait un chemin assez large pour qu’on pût y rouler des engins de guerre.
    — Sommes-nous chez nous ? demanda Barbeyrac.
    — Apparemment, dit Saveuse.
    — Rien devant… Peut-être cette voie conduit-elle à Sangatte.
    — Il serait temps, dit Saveuse, de savoir où nous allons coucher. Le froid commence à me picoter. Il nous faut une grange ou une hôtellerie… Si près de Calais, les gens d’ici doivent accepter les esterlins… J’en ai quelques-uns.
    — Ce pays a l’air mort.
    Ogier se taisait et pensait à Blandine. Tout autour de Gratot, la contrée vivait-elle ? Les mires de Coutances, Lessay, Périers ; les guérisseurs de Cametours, Saint-Sauveur-Lendelin, Montsurvent avaient dû faire en sorte de protéger leurs voisins. C’étaient des gens de clergie, experts en remèdes. Ils devaient avoir su triompher du fléau… Non, Gratot n’était pas atteint, putréfié par l’épidémie. Gratot vivait ! Il suffisait que lui, Argouges, le voulût pour que le château vécût comme à l’ordinaire. Il reverrait bientôt Blandine et leur enfant ; Aude, Thierry et leur hoir [30]  ; son père, ses soudoyers, Marchegai son coursier et Saladin son chien !
    Comment son cœur ne se fut-il pas serré d’impatience et d’émoi ?
    Ils chevauchaient vers le Ponant sur des falaises pelées dont les parois crayeuses se reflétaient dans une mer paisible. Personne. Aucun autre bruit que celui du ressac tel un souffle lointain nullement oppressé. Une nuit vide, froide et comme perdue dans le temps.
    — Il suffit de costier la mer, dit Barbeyrac. C’est la meilleure façon d’atteindre le Cotentin.
    — Trop long, dit Ogier. Tu ne connais pas ce pays. Je ne t’en fais point reproche.
    Barbeyrac se dressa sur ses étriers :
    — Là-bas, mes compères, à moins d’un quart de lieue, je vois clignoter deux lumières.
    — Trois, corrigea Saveuse. Je reprends espoir. Repartons doucement.
    Ogier suivit, rechigné. Après l’extrême tension de ses nerfs aux portes de Calais, il avait besoin de repos, de silence. Barbeyrac sifflota. Saveuse regardait de toutes parts dans la crainte d’une embûche. Soudain, il ricana :
    — Quel ébahissement, vos femmes, si elles vous croyaient morts !
    — Quelle liesse ensuite, dit Barbeyrac, si elles nous furent fidèles.
    Ogier interrompit ces belles conjectures :
    — Nous

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