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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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puissance.
    « Bon ! pensa la reine. Il n’a rien vu… rien entendu ! »
    Panigarola se remit debout.
    Il lui sembla qu’il sortait de la tombe, et la pensée indécise, affaiblie, lui parut revenir des lointaines régions de la mort. Et en effet, il est probable que sans les soins de la reine, il se fut éteint dans la syncope qui l’avait terrassé.
    Catherine le prit par la main, le conduisit jusqu’au cadavre d’Alice, et dit :
    – Elle est morte, mon pauvre marquis… Vous voyez, il l’a tuée… J’ai assisté, impuissante, à ce meurtre… Lorsqu’il a vu le papier que vous teniez dans vos mains raidies, il s’en est emparé… il l’a lu… jamais je ne vis fureur pareille… en quelques instants, la malheureuse enfant, lacérée, déchirée comme vous voyez, est tombée sous ses coups… Mais vous êtes vengé… quelques gentilshommes qui m’avaient escortée… l’ont vu sortir sanglant, hagard… ils ont cru qu’il venait de me frapper moi-même, et à cette heure… le cadavre de Marillac roule parmi les flots de la Seine… Adieu, marquis… je laisse le corps de cette pauvre fille à vos soins pieux… que Dieu ait pitié de son âme…
    La reine avait parlé d’une voix basse, lente et monotone.
    Le moine n’avait pas fait un geste. Avait-il entendu, seulement ? Oui, sans doute. Mais peut-être répugnait-il à parler à cette reine. Il éprouvait près d’elle une insurmontable horreur sans qu’il pût en préciser les causes.
    Catherine, alors, se recula, pareille à un fantôme qui rentre dans les ténèbres, d’où il est sorti un instant pour quelque maléfice ; quelques instants plus tard, seule, à pied, sans escorte, son poignard à la main, vaillante comme un reître, l’âme gorgée d’horreur, paisible et forte, en digne fille des rudes
condottiri
dont elle avait hérité la violence et la dureté, elle se glissait par les rues, nocturne domaine des truands, et rentrait en son hôtel.
    Panigarola demeuré seul se pencha sur le cadavre d’Alice. Il n’éprouvait aucune émotion, du moins en apparence.
    Sa main se posa sur le sein nu et glacé : rien ne palpitait plus sous ce sein de neige. Alice était bien morte.
    Le moine, se redressant, regarda autour de lui comme pour chercher quelque chose. Ayant trouvé, sans doute, il se dirigea vers le bénitier, y trempa son mouchoir de fine batiste, et revenant au cadavre se mit à laver doucement les taches de sang.
    Bien que l’obscurité fût profonde, excepté au-dessous de la pâle veilleuse, il semblait y voir parfaitement, et, dans ses allées et venues, marchait sans hésitation, sans bruit.
    Par trois fois, il retourna au bénitier tremper son mouchoir.
    Le bénitier, dès lors, parut plein de sang.
    Par un hasard assez inexplicable, Alice n’avait aucune plaie au visage, et le sang qu’elle y portait provenait des blessures qui avaient labouré ses épaules, sa gorge et sa poitrine.
    Lorsqu’il eut achevé de laver toutes ces plaies, le moine contempla un instant le cadavre : le visage pâle d’Alice apparaissait dans l’indécise clarté de la veilleuse, avec sa merveilleuse beauté pour ainsi dire idéalisée ; les cheveux étaient dénoués et flottaient autour des épaules ; aucune contraction ne déformait les lèvres que soulevait seulement le mystérieux sourire de la mort. Il semblait que ces seins admirables allaient se soulever dans le gonflement rythmique et paisible du sommeil.
    Panigarola, cependant, avait examiné les blessures, l’une après l’autre.
    Il y en avait dix-sept. C’étaient de longues déchirures à fleur de peau ; aucune n’avait pénétré aux sources de la vie.
    Le moine secoua la tête et murmura :
    – Pas une de ces blessures n’était mortelle…
    Continuant son funèbre examen, il remarqua à l’index de la main droite une bague dont le large chaton était comme crevé. A grand-peine il retira la bague du doigt qui se raidissait déjà.
    Alors, il illumina un cierge et, avec une sorte de curiosité morbide, étudia la bague.
    Dans le chaton éventré, il aperçut quelques grains d’une poudre blanche, et il sourit comme peut sourire un savant qui vient de déchiffrer un problème.
    Il rajusta les bords du chaton, de façon que le reste de poudre ne pût s’en échapper, et plaça la bague à son plus petit doigt.
    – L’anneau des fiançailles, dit-il gravement, sans ironie, sans tristesse apparente.
    Revenant à Alice, il essaya de la recouvrir tant bien

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