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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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coffret ordinaire pareil à tous les coffrets du monde, avec cette différence pourtant qu’il a été ciselé par d’habiles artisans et qu’il est en or massif, ce qui en fait un présent vraiment royal. Et puis, il y a une deuxième différence. Ouvrez-le, madame.
    Catherine, sans la moindre hésitation, ouvrit. Un autre que Ruggieri eût tressailli devant une preuve d’aussi absolue confiance. Mais il y était habitué.
    – Voyez, madame, reprit Ruggieri, l’intérieur de ce coffret est doublé en beau cuir de Cordoue…
    – Je vois, dit la reine. Et alors ?
    – Alors, madame, ce cuir de Cordoue, qui est à lui seul un objet d’art, gaufré qu’il est selon les méthodes secrètes de la tradition arabe, ce cuir est légèrement parfumé, comme vous pouvez vous en assurer.
    Catherine, sans hésitation, aspira le parfum d’ambre qui se dégageait légèrement de l’intérieur du coffret.
    – Il n’y a aucun danger à respirer ce parfum, reprit le chimiste. Seulement, si vous touchiez ce cuir, si vous laissiez votre main dans ce coffret pendant un temps suffisant, soit une heure environ, les essences dont il est imbibé se communiqueraient à votre sang par les pores de la peau, et dans une vingtaine de jours vous seriez prise d’une fièvre qui vous emporterait en trois ou quatre jours.
    – Très bien. Mais quelle vraisemblance y a-t-il que je laisserais ma main dans ce coffret pendant au moins une heure ?
    – A défaut de votre main allant trouver le cuir de Cordoue, le cuir ne peut-il pas lui-même venir trouver votre main ?… Je vous offre ce coffret… Vous lui donnez une destination quelconque…
    Il vous servira, par exemple, à renfermer l’écharpe que vous mettez à votre cou, les gants qui vont s’adapter à votre main. L’écharpe, les gants séjournent dans le coffret, leur vertu est dès lors aussi efficace que la vertu même de ce cuir. L’écharpe que vous mettez autour de votre cou, les gants que vous mettez à vos mains seront les messagers fidèles de la volonté de mort que j’ai enfermée dans ce coffret.
    – Voilà un vrai chef-d’œuvre, murmura la reine.
    Ruggieri se redressa. Son orgueil de chimiste trouvait dans ce mot la récompense de son patient labeur.
    – Oui, dit-il, c’est là mon chef-d’œuvre. J’ai mis des années à combiner les éléments subtils capables de s’adapter à la peau comme à la tunique de Nessus [5]  ; j’ai veillé des nuits et des nuits, j’ai failli cent fois m’empoisonner moi-même pour trouver cette essence qui se communique par le toucher, et non par l’odorat ou par le palais. Ici, plus de blessure apparente qui laisse deviner d’où vient le mal ; plus de fruit ou de liqueur à absorber. Dans ce coffret redoutable, j’ai enfermé la mort que j’ai ainsi réduite à l’état de servante docile, muette, invisible, méconnaissable. Prenez-le, ma reine. Il est à vous.
    – Je le prends ! dit Catherine.
    En effet, elle referma soigneusement le coffret et s’en empara. Elle le garda un instant dans ses deux mains levées à hauteur de ses yeux, et murmura :
    – Dieu le veut !
    Comédie ? Peut-être ! Car la reine était une « comediante » extraordinaire. Mais peut-être aussi fanatisme inconscient de cette femme qui rêvait quelque monstrueux carnage pour établir l’autorité de Dieu.
    Catherine et Ruggieri quittèrent le laboratoire, après que le savant astrologue eut soigneusement refermé sa vitrine. La reine, cette nuit-là, coucha dans son hôtel. Elle s’endormit, apaisée, souriante, plus heureuse qu’elle ne l’avait été depuis longtemps.
    q

Chapitre 4 ORDRE DU ROI
    L e lendemain du jour où François de Montmorency trouva sa fille et celle qui avait été sa femme, fut une journée paisible pour tous les habitants de la maison de la rue Montmartre.
    Le maréchal, agité de sentiments divers, sentait son cœur se dilater. Il était en extase devant sa fille et n’imaginait pas qu’il pût exister au monde rien d’aussi gracieux. Quant à Jeanne, la conviction se fortifiait en lui qu’elle subissait une crise passagère et que le bonheur lui rendrait à la fois la raison et la santé physique. Quelquefois, il lui semblait surprendre dans les yeux de la folie une aube d’intelligence. Mais s’il avait pu sonder l’abîme que la douleur avait creusé dans cette âme avec la lenteur de la goutte d’eau qui creuse un rocher, peut-être eût-il compris que cet abîme ne serait jamais

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