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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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nuit, car un logement y était aménagé pour lui.
    Le maréchal de Tavannes, posté sur le grand pont, écoutait, penché sur l’encolure de son cheval. Deux cents fantassins, la pique au poing, avaient l’œil fixé sur sa haute silhouette noire.
    A chaque pont, il y avait ainsi un barrage de fantassins ; les chaînes étaient d’ailleurs tendues du côté de l’université, pour que ces troupes ne pussent être assaillies par derrière.
    A chaque carrefour de la ville, il y avait un capitaine de quartier et cinquante bourgeois en armes.
    Derrière les portes fermées de toutes les maisons catholiques, des gens, prêts à se ruer au dehors, la figure livide, écoutaient le silence.
    De groupe en groupe, silencieux et rapides, couraient des gens, soit pour porter des mots d’ordre, soit pour encourager ceux qui attendaient ; c’étaient Nevers et Montpensier, sombres et furtifs ; c’étaient des gentilshommes au visage convulsé d’inquiétude, car le signal se faisait trop attendre ; c’étaient des moines, cordeliers, augustins, génovéfains, barrés, jésuites, tous radieux, les lèvres serrées, des gourdins au poing.
    Le silence était énorme ; c’était le silence de la mort.
    Chacun était à son poste.
    Et l’ombre de l’inquisition catholique planait sur Paris…
    q

Chapitre 31 LES MYSTERES DE LA REINCARNATION
    V ers ce moment-là, c’est-à-dire entre deux et trois heures du matin, à cet instant solennel où des souffles d’angoisse faisaient frissonner la nuit, une scène effroyable se déroulait au Temple, avec, pour uniques personnages, le vieux routier et son fils, le chevalier de Pardaillan.
    C’était une de ces scènes qui, par l’épouvante qu’elles dégagent, dépassent l’imagination, et devant lesquelles la plume du romancier hésite et tremble.
    Il faut pourtant que nous la racontions, puisque deux héros de ce récit en furent les acteurs.
    Mais pour la présenter au lecteur dans son exorbitante horreur, pour lui faire comprendre ce qu’il y avait de tragiquement exceptionnel, de monstrueux, de délirant, dans la situation où se trouvaient placés les Pardaillan, nous devons, pour quelques moments, nous attacher aux faits et gestes d’un personnage sur lequel nous concentrons toute notre attention.
    Ce personnage, c’était l’astrologue de la reine : Ruggieri.
    Ruggieri était sans doute l’homme le plus convaincu de la cour de France. Il avait la foi. Il croyait, d’une croyance profonde et sincère, à la possibilité de l’Absolu. Etait-ce un fou ? C’est possible, sans que ce soit certain. Quel homme, d’ailleurs, n’a été tenté par l’Absolu ? De nos jours, Ruggieri eût été un de ces paisibles savants qui se passionne pour la découverte des secrets naturels. Et après tout, nul ne peut préjuger des limites qui séparent le possible de l’impossible. Il y a seulement trente ans, la recherche de la liquéfaction de certains gaz, de l’air, par exemple, était considéré comme une folle tentative en chimie : pourtant, l’air a été liquéfié.
    Ruggieri portait en lui le mystère du Moyen Age agonisant. Né à Florence, il était peut-être le fils de quelque magicienne syriaque ou égyptienne, qui lui avait transmis l’amour des études ésotériques.
    L’alchimie et l’astrologie étaient la double et incessante préoccupation de cet homme. Et cet esprit ténébreux, ondoyant, insaisissable, quand il se transportait dans le domaine des réalités vivantes, devenait d’une fermeté, d’une lucidité extraordinaires quand il abordait les spéculations où tant de génies ont sombré, depuis les mages de la Chaldée jusqu’à Lulle, Nicolas Flamel jusqu’à Paracelse, jusqu’à Leibnitz, jusqu’à Spinoza.
    En cherchant la pierre philosophale, en manipulant et en combinant des corps chimiques, Ruggieri avait trouvé des poisons redoutables ; il avait trouvé des parfums charmants ; il avait trouvé des cosmétiques merveilleux : découvertes insignifiantes pour lui.
    Par l’astrologie, il cherchait :
    Sur le front des étoiles,
    Ce que la nuit des temps renferme dans ses voiles,
    pour citer une parole somptueuse vraiment du glorieux et admirable La Fontaine.
    Mais il faut noter que, pour Ruggieri, la pierre philosophale et la connaissance de l’avenir par les astres n’étaient que deux formes de l’Absolu. Ses études ésotériques comprenaient une troisième forme, qui était la recherche de l’immortalité de

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