L'épopée d'amour
toutes mes nuits sur le haut de la tour et toutes mes journées au travail ! Je trouverai !… je…
Il s’évanouit soudain.
Peut-être de joie ou peut-être de fatigue.
Quand il revint à lui, au bout de quelques minutes, il se dit :
– Le jour ne va pas tarder à paraître maintenant… Eh bien ! j’attendrai à ce soir !…
Il se releva alors, rangea ses papiers dans l’armoire de fer, et en tira une boîte qu’il ouvrit : elle contenait un certain nombre de pilules ; il en prit une et, l’ayant avalée, un bien-être immédiat succéda aussitôt à l’énorme fatigue qu’il éprouvait.
Ses yeux tombèrent alors sur son horloge.
– Neuf heures, dit-il, il fait grand jour…
Il tira les rideaux de la fenêtre et il vit qu’il faisait nuit.
Alors, il comprit. Il venait de passer toute une journée à étudier l’horoscope, après toute la nuit passée à évoquer le corps astral de son fils. On était au mercredi soir… Or, le cadavre de Marillac était entré dans le laboratoire dans la nuit du lundi au mardi, vers trois heures du matin !… Il y avait donc à tout le moins quarante-deux heures que Ruggieri n’avait pas mangé ! qu’il n’avait pas bu !… qu’il n’avait pas dormi !
Sans aucun doute, les pilules dont il venait d’en absorber une et qu’il avait composées lui-même devaient contenir une substance fortifiante d’une extrême énergie, car il ne se sentit ni faim ni sommeil, et se contenta de boire un grand verre d’eau.
Toute la nuit qui suivit, Ruggieri la passa au sommet de la tour, l’œil fixé à une puissante lunette qu’il avait perfectionnée pour son usage personnel.
Le vendredi, dans la nuit, il fut distrait du travail forcené auquel il se livrait par un envoyé de la reine, qui l’appelait. Lorsqu’il revint du Louvre, il se remit à étudier la constellation de l’homme dont le sang était nécessaire à la réincarnation de son fils.
Vers trois heures, comme les astres pâlissaient et qu’il allait remettre à la nuit suivante la suite de ses recherches, il poussa un cri terrible :
– J’ai trouvé ! C’est lui ! Il est impossible que ce ne soit pas lui !…
Il courut à sa chambre, sortit de l’armoire de fer une feuille de parchemin pareille à celle qui contenait l’horoscope de son fils. Et c’était en effet un autre horoscope.
En cette journée qui était celle du samedi, Ruggieri étudia et compara les deux horoscopes.
Il tremblait de joie au point qu’il n’écrivait qu’avec difficulté. Une flamme étrange jaillissait de ses yeux. Et il murmurait après chaque calcul :
– Oui… c’est bien lui… cela coïncide… Encore cette preuve, et ce sera tout…
Et il recommençait.
A six heures du soir, il poussa un long soupir, pareil à un rugissement et s’évanouit de nouveau en prononçant un nom :
– Pardaillan !…
Voilà donc ce que Ruggieri avait trouvé ! Le nom de l’homme dont le sang était nécessaire à la réincarnation de son fils !… Les horoscopes comparés, les conjonctions d’astres, ses calculs, tout lui prouvait que pour ressusciter son fils, c’était le sang de cet homme et non celui d’un autre qu’il lui fallait !
Et cet homme, c’était le chevalier de Pardaillan !
C’est sur le chevalier de Pardaillan qu’il allait tenter la hideuse, l’effroyable expérience !…
Comment le sinistre astrologue avait-il pu arriver à cette conclusion ?
Il est probable que dans son aberration, dans l’état de délire à froid où il vivait depuis l’assassinat de l’infortuné Marillac, il est probable que dans le détraquement final de cette cervelle qui avait reçu tant de secousses, il est probable, disons-nous, que la figure de Pardaillan se présenta d’elle-même à lui.
Ruggieri, lorsqu’il avait été trouver le chevalier à l’auberge de la
Devinière
pour lui faire des propositions au nom de la reine, avait rencontré dans l’escalier, et sans doute reconnu du premier coup, son fils Déodat.
On se rappelle sans doute avec quelle émotion il voulut, avant tout, lire dans la main du chevalier.
Plus tard, il avait essayé d’établir son horoscope.
Mais de cette rencontre de son fils trouvé en allant voir Pardaillan était née dans ce cerveau sans cesse préoccupé de conjonctions, la certitude que le comte de Marillac et le chevalier de Pardaillan étaient unis par d’invisibles liens et que leurs destinées faisaient corps.
Cette conviction qui
Weitere Kostenlose Bücher