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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dormait au fond de son esprit s’était réveillée sans qu’il en eût conscience, au moment où il cherchait dans le ciel la constellation de l’homme dont le sang lui était nécessaire.
    Sa certitude était parfaite que les astres lui indiquaient Pardaillan.
    En réalité, dès la première minute, il avait été obsédé par l’énergie du chevalier, et comme il arrive à tous ceux qui poursuivent un problème insoluble, il avait amoncelé d’instinct les preuves autour de la solution ardemment souhaitée. Et alors qu’il croyait que cette solution lui venait de ses calculs, c’est lui qui l’y avait mise dès avant de commencer le calcul.
    Toute folie trouve son explication : celle de la magie aussi bien que celle de la religion. Nous devions celle-ci à nos lecteurs avant de poursuivre notre récit. Mais ce qui est incontestable, c’est que le mage – le fou, si on veut – était sincère, comme peut l’être l’hystérique de la Salpêtrière au moment de se livrer à quelque acte insensé.
    Ruggieri revint rapidement à lui.
    En toute hâte, de l’armoire de fer, il tira trois ou quatre papiers.
    Ces papiers étaient blancs.
    Mais au bas de chacun d’eux se trouvaient la signature de Charles IX et le sceau royal.
    Comment Ruggieri s’était-il procuré ces ordres en blanc, papiers redoutables qui mettaient en ses mains une puissance extraordinaire ? Les avait-il obtenus de Catherine ? Etaient-ce de parfaites imitations ? Peu importe.
    Il en remplit deux.
    Puis il descendit à son laboratoire et renouvela ceux des flambeaux du cercle lumineux qui étaient près de s’éteindre, opération qu’il avait soigneusement recommencée plusieurs fois depuis l’incantation ; car les lumières ne devaient pas s’éteindre : une seule lumière éteinte, c’était une porte par où le corps astral pouvait fuir.
    – O mon fils ! dit-il, sois rassuré ; dès cette nuit, je verserai dans ton corps matériel le sang nécessaire ; et pour chasser les esprits jaloux, pour que des bouleversements prodigieux troublent les airs et la terre, pour que dans ce cataclysme nous puissions échapper à la surveillance des esprits qui voudraient te retenir, je sonnerai le glas, le glas terrible qui sera le signal des milliers de morts, afin que des milliers de corps astraux encombrent l’atmosphère !
    Ainsi parla le fou…
    Nous disons « le fou ».
    En effet, Ruggieri, pour ainsi dire exorbité, parvenait à ce moment au plus haut degré de l’hyperesthésie.
    Il devenait capable d’actes étranges et monstrueux. A ce moment, il était hors de lui.
    Mais quant à ses pratiques astrologiques et magiques, elles ne constituaient pas précisément une folie. En tout cas, il eût été alors en nombreuse compagnie : car les chroniqueurs les plus modérés évaluent à vingt mille le nombre de mages, sorciers, astrologues qui se livraient à ces pratiques en 1572 sur une population d’environ deux cent mille Parisiens.
    Ayant parlé au corps astral comme on vient de le dire, Ruggieri sortit du laboratoire sans regarder le cadavre tout raide et livide sur sa table de marbre. Et ayant enfourché sa mule, il se hâta vers le Temple.
    Introduit auprès de Montluc, il exhiba les papiers qu’il avait remplis.
    Montluc, les ayant lus, jeta sur l’astrologue un regard de stupeur et presque d’épouvante.
    – Mais, observa-t-il enfin d’une voix d’épouvante, je ne sais pas si la mécanique fonctionne encore… il y a longtemps qu’elle n’a servi… vous comprenez, nous avons mieux aujourd’hui, nous sommes plus expéditifs…
    – Ne vous inquiétez de rien. Mettez-moi seulement en relation avec l’homme.
    – Bon. Venez donc.
    Montluc et Ruggieri descendirent, gagnèrent une cour étroite au fond de laquelle s’élevait une cahute en planches.
    – Il est là, dit Montluc. Parlez-lui. Je vais m’occuper de faire descendre vos deux gaillards. Est-il besoin que j’assiste à l’opération ?
    – Nullement.
    Montluc salua et se retira avec une hâte que motivait peut-être un sentiment d’horreur, ou peut-être simplement le désir de courir à son appartement où il devait attendre les deux ribaudes qui lui avaient promis leur visite pour ce soir-là.
    Ruggieri étant entré dans la cabane, vit un homme qui s’occupait à raccommoder une paire de sandales.
    Cet homme, court sur ses jambes torses, avait une tête monstrueuse, des épaules énormes, et devait être d’une force herculéenne.

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