L'épopée des Gaulois
qui était ivre, comme à son habitude, et qui, au mépris de toute conscience, l’a violée, l’empêchant d’accomplir le geste qui eût préversé ce pays de la destruction et de la mort. Voilà, je vous ai tout dit. Mais c’est déjà du passé : il est urgent de nous interroger sur l’avenir.
Il y eut un grand silence parmi cette petite assemblée. Chacun des participants se plongea dans de sombres méditations, comprenant que la situation était plutôt désespérée.
— Que nous proposes-tu, ô druide ? demanda enfin Garganos.
— De partir, répondit immédiatement Vissurix, de quitter le plus tôt possible ce lieu maudit et de nous en aller vers des pays accueillants où nous pourrons perpétuer ce qu’il reste de notre tribu et retrouver intactes les traditions de nos ancêtres afin de les faire fructifier dans le monde futur.
— Mais où aller ? dit l’un des hommes.
— Vers le sud ! s’écria le druide. Dans l’endroit le plus éloigné de la mer, là où nous pourrons faire paître nos troupeaux en toute sérénité sans craindre une invasion de ces flots tumultueux contre lesquels nous sommes impuissants.
— Mais, intervint Garganos, où se trouve le pays dont tu parles ?
— Je le sais, répondit Vissurix, et je vous promets que nous y serons bien accueillis. Nous subirons sans aucun doute beaucoup de peines et beaucoup de fatigues avant de l’atteindre, mais je ne vois guère aucune autre solution. Sachez que lorsque nos ancêtres ont décidé d’émigrer, les membres de notre tribu se sont divisés sur le chemin qu’il convenait de prendre. Et c’est ainsi qu’ils se sont séparés.
« Certains ont donc pris la direction du soleil couchant au solstice d’été, et c’est pourquoi nous sommes ici, mais d’autres ont préféré aller vers le soleil couchant au solstice d’hiver. Eux n’ont pas atteint le grand océan : après avoir franchi de nombreux fleuves, après s’être battus contre des peuples hostiles, après avoir été aidés par les uns et rejetés par les autres, ils se sont établis en plein cœur des montagnes, quelque part dans un pays qu’on appelle à présent la Gaule. Ce sont eux que nous devons aller rejoindre. Ainsi l’unité de notre tribu sera reconstituée et la tradition de nos ancêtres sera maintenue quelles qu’aient pu être les vicissitudes que nous avons subies et les dissensions qui avaient provoqué cette séparation. Tel est mon conseil, mais c’est à vous de décider…
Ainsi parla le druide Vissurix. Quelque peu fatigué par son intervention, il s’assit à même le sol un peu à l’écart des autres, voulant les laisser libres de discuter hors de sa présence. Les hommes qui composaient l’assemblée se mirent à s’entretenir entre eux un long moment. Enfin, Garganos revint vers Vissurix.
— Tous sont d’accord sur ta proposition, lui annonça-t-il. Ils demandent simplement quand et dans quelles conditions nous quitterons cet endroit maudit.
Le druide se releva et revint vers les hommes. Il les exhorta d’une voix ferme :
— Je vous le répète, dit-il, il faut partir le plus vite possible, mais sans précipitation. Nous n’avons plus rien à faire ici, sinon à nous lamenter sur le sort de ceux qui ont disparu. Mais les pleurer ne nous fera pas les faire revivre et surtout cela ne nous permettra pas de faire face à nos difficultés. Oui, partons le plus tôt possible. Abandonnons cette terre qui n’en est même plus une et allons vers des régions où nous ne risquerons plus d’être envahis par les forces de la nature. Nous sommes tous braves et nous savons nous défendre contre les hommes. Et si nous n’avons pas assez d’armes pour combattre, nous trouverons bien l’occasion d’en fabriquer au fur et à mesure que nous traverserons des forêts. Nous savons tailler des branches de frênes pour en faire des lances. Nous savons couper des branches de chênes ou de hêtres pour en faire des massues. Et nous ne sommes pas à court d’idées… Je pense qu’il serait souhaitable de fixer notre départ demain matin. Nous sommes tous épuisés par la nuit d’horreur que nous avons passée, et d’autre part, nous pouvons encore récupérer quelques-uns des débris que l’inondation aurait pu épargner. Profitons du reste de cette journée pour fouiller tout ce qui est accessible aux environs et prenons tout ce qui peut encore nous servir pendant ce long voyage. Vous verrez que nous avons
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