L'épopée des Gaulois
route vers le sud 35 .
CHAPITRE II
La nuit des rois
Le voyage dura de longues semaines. Dès qu’ils eurent quitté les rivages de cette mer bruineuse qui, dans sa colère, avait dévasté les domaines où ils s’étaient établis autrefois, ils se retrouvèrent dans une immense plaine sillonnée par de nombreux cours d’eau. Parfois, ils en suivaient les rives en remontant vers les sources. Parfois, ils les franchissaient et s’en allaient errer dans des régions qu’ils ignoraient, mais qui étaient richement pourvues de pâturages abondants en herbe grâce auxquels ils pouvaient à loisir faire reposer pendant quelques jours leur maigre troupeau et le nourrir d’une herbe saine et drue. Parfois, ils traversaient des forêts assez denses et giboyeuses. Ils établissaient alors leur campement dans une clairière, non loin d’une source ou d’un ruisseau, bâtissaient des cabanes de branchages et s’en allaient chasser, ce qui leur procurait toute la nourriture dont ils avaient besoin. Et ces séjours leur permettaient de se remettre des fatigues de cette longue marche à travers des plaines sans fin.
Ils remarquèrent que les pays qu’ils parcouraient étaient fort peu peuplés, mais à chaque fois qu’ils arrivaient près d’un village, les rapports qu’ils entretenaient avec les habitants étaient la plupart du temps d’une grande cordialité. Le druide Vissurix, qui connaissait plusieurs langues, allait toujours en avant pour parlementer avec les gens d’un village et leur faire comprendre qu’ils n’avaient aucune intention hostile. Il leur arrivait souvent de faire du troc avec eux, leur cédant du gibier en échange de blé et d’orge, et parfois même de leur vendre de l’ambre contre des monnaies d’argent. Car un des membres de la troupe avait réussi à sauver un coffre qui contenait une grande quantité d’ambre, cette matière précieuse qu’on récoltait sur les rivages de la mer brumeuse et qui était très appréciée des populations terriennes.
Car les compagnons de Garganos et de Vissurix connaissaient depuis longtemps la valeur de l’ambre jaune qu’ils appelaient gless , non seulement sa valeur marchande, mais les bienfaits qu’il procurait lorsqu’on portait autour du cou un collier fait de grains de cette matière. Ils avaient été en contact avec des habitants d’une île nommée Abalum 36 qui recueillaient dans les bas-fonds de la mer, et même jusqu’aux rivages de cette île, ces perles d’or qu’ils disaient être un suc des arbres. Certes, ils avaient souvent observé à travers les perles d’ambre des insectes rampants et parfois ailés qui, englués dans cette matière lorsqu’elle était encore à l’état liquide, y étaient restés enfermés quand elle s’était durcie. On leur avait expliqué qu’autrefois, dans cette île d’Abalum, il y avait des forêts exubérantes, dont les sucs, exprimés par l’action du soleil d’été, s’écoulaient dans les flots et se trouvaient ensuite rejetés par les tempêtes sur différents rivages 37 .
Ils eurent tôt fait d’épuiser ce que contenait le coffre rempli d’ambre qu’ils avaient pu soustraire à l’inondation, et ils regrettèrent amèrement de ne pas en avoir emporté davantage, car c’était pour eux un excellent moyen d’entrer en contact avec les populations qu’ils rencontraient et d’établir avec elles des échanges fructueux, ce qui d’ailleurs ne faisait que renforcer l’estime, l’admiration et également la crainte qu’ils inspiraient à tous ceux qu’ils croisaient. Garganos, le grand guerrier à la chevelure rousse, n’y était pas pour rien, car sa taille était bien supérieure à celle de ses compagnons qui étaient déjà très grands.
En effet, ces hommes avaient un aspect qui pouvait facilement effrayer des gens habitués à des peuples de petite taille. De plus, leur voix avait un son grave et des intonations tout à fait rudes. Dans les conversations, leurs paroles étaient généralement brèves, parfois énigmatiques. La plupart du temps, ils n’exprimaient pas directement leurs pensées et préféraient utiliser des sous-entendus, des hyperboles et des images saisissantes qui frappaient l’imagination de ceux qui les écoutaient. Ils ne négligeaient d’ailleurs pas d’exagérer leurs effets, voulant ainsi se grandir eux-mêmes et démontrer qu’en toute occasion, ils n’hésiteraient pas à combattre pour assurer leur sécurité aussi bien que
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