L'épopée des Gaulois
ivre l’avait dépouillée de ses vêtements et il la fouillait maintenant de toutes parts, en proie à un délire que rien ni personne n’aurait pu calmer. Quand il la pénétra sauvagement, la jeune fille poussa un long hurlement que le vent emporta très loin dans le tourbillon. Mais elle était vaincue. Inerte et n’ayant plus aucune conscience de ce qui se passait, elle se laissa entraîner dans un cauchemar qui n’aurait plus jamais de fin.
Et, tout à coup, un éclair aveuglant jaillit du ciel. Le tonnerre gronda et la terre trembla. Le puits éclata, se brisa et les flots se déversèrent en abondance, noyant tout ce qui aurait pu s’opposer à leur furieux déferlement. Quand il sentit la terre trembler, Garganos bondit hors de sa maison et se retrouva pataugeant dans un mélange d’eau, de boue et d’innombrables objets qui le heurtèrent. Malgré sa force colossale, il avait du mal à se tenir debout. Il vit les maisons s’effondrer une à une autour de lui et il tenta de courir pour échapper à la chute des débris qui se dispersaient autour de lui. Mais la violence contre laquelle il luttait était telle qu’il succomba et fut entraîné par les flots à une vitesse fantastique sans même pouvoir réagir. Partout, au milieu du fracas, il entendait des cris, des plaintes, des meuglements de troupeaux, des hennissements de chevaux et surtout de longs hurlements qui s’élevaient de part et d’autre comme autant de prières angoissées clamées vers un ciel en folie.
Il réussit cependant à s’accrocher à un tronc d’arbre qui n’avait pas encore été arraché. Il était hors d’haleine. Il reprit peu à peu sa respiration normale mais le niveau de l’eau s’élevait de plus en plus et Garganos se vit bientôt sur le point d’être entraîné sans pouvoir réagir. Il décida donc de quitter son fragile abri tant qu’il était possible de le faire et de nager à travers les débris, n’ayant plus qu’une idée, gagner les promontoires qui bordaient la plaine du côté de la terre et s’y réfugier, en espérant que les flots déchaînés ne les atteindraient pas.
Il dut faire usage de toute son énergie pour se frayer ainsi un passage au milieu des tourbillons qui menaçaient de l’engloutir à chaque instant. Sans cesse, il heurtait des épaves, des troncs d’arbre, des cadavres d’animaux, des rochers que la fureur des flots avait arrachés de leur assise et qui ravageaient tout sur leur passage. Et, en plus des flots qui continuaient à monter, la pluie s’était mise à tomber, se déchaînant en averses d’orage, et il se sentait complètement aveuglé. Il se résignait à se fier seulement à son instinct, renonçant à contrôler la direction qu’il prenait et se contentant d’éviter le pire. Il arriva cependant en un endroit qui lui sembla moins agité. Là, il aperçut un homme vêtu de blanc qui se débattait désespérément contre les eaux. Garganos se précipita vers lui et le saisit de son bras gauche tout en continuant à nager avec son bras droit. Il reconnut alors le druide Vissurix, à moitié inconscient. Sans perdre de temps et sans même lui adresser la parole, il l’entraîna avec lui et poursuivit cette fuite désespérée qu’il avait entreprise sans trop y croire, mais animé d’une farouche volonté de survivre au cataclysme qui menaçait de détruire le monde.
Quand le jour se leva, les rescapés, massés sur la plus haute colline, se regardèrent avec effarement. Ils étaient à peu près trois vingtaines, des hommes, quelques femmes, quelques enfants, livides, hagards, grelottant de froid et d’humidité, désespérés. Certains avaient eu la chance de sauver quelques biens, des chaudrons, des boucliers, des lances, des épées, quelques coffres contenant soit des bijoux, soit des vêtements, soit même de la nourriture. D’autres, qui résidaient sur les premières pentes, avaient eu le temps de rassembler quelques vaches et même quelques chevaux et de les amener sur ce sommet. Et, après s’être regardés en silence les uns les autres, ils examinèrent les alentours avec tristesse et désespoir.
À l’emplacement de la grande plaine où ils étaient établis autrefois, il n’y avait plus que l’étendue de la mer très grise sous la pâle lumière qui filtrait à travers les nuages. Il n’y avait plus de vent, plus de vagues, plus de tumulte, mais un calme si étrange qu’ils se demandaient tous s’ils n’avaient pas vécu
Weitere Kostenlose Bücher