L'épopée des Gaulois
peut se garantir mutuellement par un échange d’otages, ce qui risquerait d’ébruiter nos décisions, nous devons nous engager par des serments solennels, devant les dieux, autour des étendards réunis en faisceaux, à ne pas les renier une fois que les hostilités seront commencées.
On félicita grandement les Carnutes de leur prise de responsabilité. Le serment fut prêté par toute l’assistance, et l’on se sépara après avoir fixé la date du soulèvement, tout en garantissant que personne, en dehors de quelques hommes de confiance, ne serait informé de ce que l’on venait de convenir librement entre tous les représentants présents. Et le secret qui entourait ces assemblées fut admirablement tenu.
Le jour fixé arriva dès les premières manifestations du printemps. Les Carnutes, entraînés par Cotuatos et Conconétodumnos, se jetèrent, à un signal donné, dans la ville de Genabum 171 et y massacrèrent tous les citoyens romains qui s’y étaient établis pour faire du commerce, mettant également tous leurs biens au pillage. La nouvelle parvint très vite chez tous les peuples de la Gaule. En effet, quand il arrivait quelque événement important, les Gaulois en clamaient la nouvelle à travers la campagne dans toutes les directions. De proche en proche, on la recueillait et on la transmettait immédiatement 172 . Ainsi firent-ils alors, et ce qui s’était passé à Genabum au lever du jour fut connu avant la fin de la première veille chez les Arvernes, à une distance d’environ cent soixante milles 173 .
À cette nouvelle qui fit grand bruit, un jeune noble arverne du nom de Vercingétorix convoqua ses vassaux et ses clients. Il était le fils d’un certain Celtillos, homme riche et influent, qui avait aspiré à la royauté sur le peuple des Arvernes, mais qui avait été tué par ses compatriotes inquiets de son autorité grandissante. Vercingétorix, qui avait été élevé par son oncle Gobannitio, vivait dans le souvenir du sort tragique de son père et espérait bien un jour le venger d’une façon ou d’une autre. Il attendait son heure et, en apprenant ce qui venait d’arriver à Genabum, il comprit qu’il était temps de dévoiler ses desseins. Il n’eut aucun mal à convaincre de nombreux jeunes Arvernes de courir aux armes. Mais Gobannitio et certains chefs, qui n’étaient pas d’avis de tenter la chance de cette entreprise, voulurent l’empêcher d’agir. Ils le condamnèrent à l’exil et le chassèrent de Gergovie qui était leur principale forteresse.
Cela ne fit pas renoncer le fils de Celtillos à son projet, bien au contraire. Il parcourut les campagnes de son pays et enrôla dans sa troupe tous ceux qu’il rencontrait et qu’il exhortait à combattre pour la liberté de tous les peuples de la Gaule. Il rassembla ainsi une troupe importante et bien décidée, revint à Gergovie et chassa ses adversaires qui l’avaient, quelques jours auparavant, condamné lui-même à l’exil. Et, par acclamations, ses partisans le proclamèrent roi.
Fort de la confiance qu’on lui accordait, il envoya des messagers à tous les peuples, les suppliant de rester fidèles à la parole jurée lors des assemblées chez les Carnutes. La plupart des peuples qu’il fit contacter lui apportèrent son soutien et à l’unanimité, ils lui confièrent le commandement suprême. Investi de ces pouvoirs, il exigea de tous ces peuples des otages, il ordonna qu’un nombre déterminé de soldats lui fussent amenés sans délai et fixa quelle quantité d’armes on devrait lui fournir. Et surtout, il prit grand soin d’organiser une cavalerie efficace et nombreuse.
Mais comme il connaissait le caractère instable des Gaulois, il édicta des règlements sévères afin de maintenir la discipline dans son armée. Quand un homme commettait un grave manquement, il pouvait être condamné à mort par le feu ou par l’épée. Pour une faute plus légère, il faisait couper les oreilles ou crever un œil, et l’on renvoyait le coupable chez lui afin qu’il servît d’exemple et que la sévérité du châtiment subi frappât les autres de terreur. Ayant ainsi organisé rapidement son armée, il dépêcha chez les Ruthènes, avec une partie des troupes, le Cadurque Luctérios, homme d’une rare intrépidité, et lui-même partit chez les Bituriges qui, après quelques tentatives de résistance à cause de l’influence des Éduens dont ils étaient les clients, se rallièrent
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